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  • : L'actu de l'Amérique latine
  • : Bienvenue sur le blog de l'actu de l'Amérique latine. Economie, politique, culture, environnement : les analyses de votre blog latino.
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Le livre

Simon Bolivar
La conscience
de l'Amérique

Editions Toute Latitude
192 pp. - 17,80 €
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Les lettres et discours politiques essentiels du Libertador : la porte d'entrée désormais classique dans l'univers de Simon Bolivar et dans la pensée politique contemporaine en Amérique latine. Traduit et présenté par Laurent Tranier.

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Le blog de l'actu de l'Amérique latine, en partenariat avec :
.Les Editions Toute Latitude

19 novembre 2024 2 19 /11 /novembre /2024 10:27

Latinomag.fr est partenaire d'Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité"

Le voyage d’Emmanuel Macron en Amérique latine à l’occasion du sommet du G20 de Rio les 18 et 19 novembre 2024 a commencé par une visite officielle en Argentine. Il ne faut pas s’y tromper : c’est aujourd’hui le pays dirigé par Javier Milei qui a le vent en poupe, et la France et l’Europe qui sont demandeurs…

Le spectaculaire redressement de l’Argentine est tout entier à mettre au crédit de Javier Milei. Rappelons que lors de son arrivée à la Présidence de la République argentine le 10 décembre 2023, le pays souffrait d’hyperinflation, d’un déficit abyssal et incontrôlé des finances publiques et se trouvait une nouvelle fois au bord de la cessation de paiements. Aujourd’hui, l’inflation est presque maîtrisée, le budget de l’État est en excédent et le pays a retrouvé son crédit international, notamment auprès de son premier créancier, le FMI. Certes, ce redressement ne s’est pas fait sans coupes sombres dans les dépenses et grincements de dents dans les secteurs naguère chéris du clientélisme péroniste. Mais le capital politique de Javier Milei, un an après sa confortable élection avec 55% des voix, reste quasiment intact avec plus de 40% d’approbation de son action dans l’opinion publique, et une capacité étonnante à nouer des alliances pour faire passer ses projets alors que les troupes issues de son tout nouveau parti sont encore très minoritaires au Parlement.

Emmanuel Macron, qu’il a reçu ce 17 novembre, se trouve pour sa part dans une situation pour le moins contrastée. Alors que 2024 restera comme l’année du génie français capable d’organiser les plus extraordinaires Jeux olympiques de l’histoire et de reconstruire la cathédrale Notre-Dame en un temps record, ce sera sur le plan politique l’annus horribilis du macronisme, défait dans les urnes, détricoté dans son acquis timidement libéral et en échec dans son principe même du « en même temps ». Son hôte argentin Javier Milei, avec lequel les positions idéologiques ne sont pas forcément très éloignées sur le plan de l’économie, est, sur celui de la méthode, l’exact contraire de l’entre-deux du macronisme, lui qui a symbolisé sa volonté de prendre des positions tranchées un adoptant comme emblème de campagne… la tronçonneuse.

Ne pas nous prendre pour ce que nous ne sommes plus…

Alors que l’Élysée se présentait avec son petit ton paternaliste à la Casa Rosada, et la volonté affichée de ramener une Argentine, qui se serait égarée, « vers les objectifs du G20 », il faut bien reconnaître aujourd’hui que le grand frère n’est peut-être pas celui que l’on croit. Le président argentin, qui résout à marche forcée les problèmes de son pays et se positionne clairement dans le bloc occidental, assume une idéologie libertarienne qui se caractérise par une recherche de l’efficacité économique, préalable à toute politique publique. Il se trouve conforté à la fois par les résultats qu’il obtient et par l’élection de Donald Trump, alors qu’il a pris soin de cultiver sa proximité avec Elon Musk. Javier Milei est ainsi en train d’apporter la preuve que la spirale déclinisme / dépense publique clientéliste / augmentation des impôts / stagnation économique / déprime… n’est pas une fatalité.

Sur la scène internationale comme sur le plan national, Emmanuel Macron, qui semble souhaiter prendre du recul et de la hauteur pour reconstituer une part du capital politique dont la France et l’Europe auront bien besoin jusqu’en 2027, doit d’abord faire la preuve de son utilité.

De sa visite officielle en Argentine, suivie du sommet du G20 à Rio puis de sa visite au Chili, doit résulter un renforcement des liens concrets avec le sous-continent latino. L’heure n’est pas aux leçons mais bien au rapprochement avec une région qui partage largement les mêmes valeurs démocratiques et libérales que l’Europe, et dont nous avons tout intérêt à rester un allié stratégique proche.

La France semble l’une des rares à même de jouer ce rôle de passeur à l’heure où la relation entre l’Espagne et l’Amérique latine souffre d’un passé colonial qui resurgit au gré des intérêts plus ou moins légitimes de tel ou tel acteur.

… et contribuer à l’accord de libre-échange avec le MERCOSUR

Plus que jamais, la signature du traité de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie) s’avère nécessaire pour la France et pour l’Europe : développement du commerce et renforcement de notre excédent commercial alors que la stagnation économique menace, accès à des matières premières stratégiques, renforcement d’une proximité idéologique et culturelle à l’heure de la montée des menaces géopolitiques… Les arguments ne manquent pas et les contre-arguments sont surmontables : seule une partie du secteur agricole français s’inquiète de l’augmentation de quotas d’importation, un peu vite qualifiée de « massive », dans certains domaines (les volailles, mais l’Europe n’est pas autosuffisante, le sucre, le miel ou la viande bovine : mais sur ce dernier point il ne s’agit par exemple que de la possibilité de porter, en 10 ans, les importations à… 1,2% de la consommation européenne). A contrario, le secteur des vins, spiritueux, celui des fromages et de nombreux produits sous signe officiel de qualité verront s’ouvrir de belles perspectives commerciales. Avant d’entamer le travail de pédagogie auprès des parlementaires et de l’opinion française après la période de fièvre des élections des Chambres d’agriculture qui se terminera le 31 janvier 2025 – tâche qui s’annonce longue et complexe dans un pays qui tourne de plus en plus sur le dos à Descartes pour se complaire dans le déni économique et la démagogie – Emmanuel Macron doit avancer avec nos partenaires sud-américains vers les conditions qui rendront possible cet avenir commun avec le Mercosur.

Le succès ou l’échec de ce voyage diplomatique sera ainsi mesuré dans quelque mois, à l’aune de la capacité qu’aura eue Emmanuel Macron à faire avancer les pays du Mercosur vers l’accord de Paris sur le climat et le respect des normes sanitaires européennes en matière de production agricole. Les milliers d’entreprises françaises et européennes, ainsi que leurs salariés, qui retrouvent le chemin du sous-continent et l’espoir de nouveaux marchés prometteurs attendent avec anxiété des résultats. Encore un peu de patience, et nous saurons si l’Europe et le Mercosur peuvent envisager un avenir commun… ou si la Chine, qui pousse ses pions sans scrupules dans la région finira aussi par nous évincer comme elle est en train de le faire avec les États-Unis.

Laurent TRANIER
Chef de rubrique Amériques latines d'Opinion Internationale, fondateur des Éditions Toute Latitude

À lire aux Éditions Toute Latitude, La femme, ennemie de la femme, d’Alfonsina Storni, collection « Esprit latino », septembre 2024.

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12 juillet 2024 5 12 /07 /juillet /2024 09:41

L'excellente revue El Café latino intitule son numéro d'été "Le foot en Amérique latine" et propose notamment notre contribution : « Independiente del Valle, le sourire de l’Équateur »...

A déguster serré ou allongé mais sans modération !

 

Découvrir le numéro 71 de El Café latino : "Le foot en Amérique latine"

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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 14:59

Latinomag.fr inaugure un partenariat

avec Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité", son fondateur Michel TAUBE et son Rédacteur en chef Radouan KOURAK.

Nous vous invitons à découvrir Planète verte, le dossier sur le Sommet des Trois Bassins - Amazonie, Congo, Mékong - de Brazzaville pour la préservation des forêts tropicales.

 

Lula avec la ministre de l’Environnement du Brésil Marina Silva

A l’été 2019, les terribles incendies ravageant l’Amazonie avaient enflammé les esprits en marge du sommet du G7 de Biarritz : on se souvient des échanges fort peu diplomatiques – mieux vaut oublier les insultes venues du Brésil – entre Jair Bolsonaro et Emmanuel Macron, lequel avait dignement conclu la polémique en espérant que « très rapidement » les Brésiliens « auront un président qui se comporte à la hauteur ».

Nous le savons, le vœu du président français (et de quelques autres) a été exaucé : Luiz Inacio Lula da Silva est redevenu le 1er janvier 2023 Président de la République fédérative du Brésil, après deux premiers mandats à la tête du géant latino-américain entre 2003 et 2010. Et la planète a poussé un grand « ouf » de soulagement.

Car il l’avait promis. Et il l’a déjà fait en bonne partie !

En effet, le président Lula s’était engagé à stopper la déforestation illégale de l’Amazonie à l’horizon 2030. Et le mouvement est déjà bien lancé !

C’est que l’Amazonie, « poumon vert » de la planète, est le principal poumon de notre « planète verte ».

Cet immense écosystème de forêt vierge tropicale humide de 5,5 millions de km2 – 10 fois la France – qui s’étend sur neuf pays sud-américains : le Brésil (qui en possède 60%), le Surinam, le Guyana, le Venezuela, le Pérou, la Colombie, l’Équateur, la Bolivie, et la France, en Guyane. « Château d’eau » du continent avec 20% des réserves d’eau douce de la planète, « réserve de biodiversité » avec 50 à 70% des espèces animales et végétales recensées dans le monde selon le WWF, la réalité amazonienne dépasse les clichés.

Mais, comme chacun le sait, l’Amazonie est menacée, victime d’une déforestation continue qui a conduit à la perte de 17 % de sa surface originelle en un demi-siècle, principalement en raison de l’action des hommes. Les surfaces consacrées à l’élevage s’étendent à une vitesse phénoménale, et l’Amazonie est aussi rattrapée par la culture du soja, dont des variétés nouvelles s’adaptent de mieux en mieux aux latitudes tropicales : « Le Brésil est devenu, en quelques années, le premier producteur au monde de soja avec 156 millions de tonnes pour la récolte 2022-2023 (cinq fois la production européenne d’oléagineux !), sur une surface de 44 millions d’hectares (soit l’équivalent de l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas réunis). » (Le Monde, 10 octobre 2023).

Lula a déjà fait ses preuves

Lors de ses premiers mandats, Lula a réussi à réduire massivement la déforestation, passée d’un record de 27 000 km2 en 2004 à moins de 7000 km2 en 2011. La délimitation de terres sanctuarisées et réservées aux peuples indiens a contribué à ce ralentissement, qui n’a été possible que par la présence de l’État à travers l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (l’IBAMA, la police de l’environnement, dépendant de ce même ministère) et les poursuites judiciaires effectivement engagées contre les responsables de la déforestation illégale. La politique de Lula s’est poursuivie sous la présidence de sa camarade du PT, Dilma Roussef, et le chiffre s’est maintenu, en moyenne annuelle, sous les 7000 km2 entre 2009 et 2018.

Le mandat de Jair Bolsonaro (2019-2022) a été tout autre. Porté au pouvoir par l’alliance des « BBB », les lobbies de « la Bible, des Balles et du Bœuf » (à savoir celui des chrétiens évangéliques, celui des armes et celui de l’agronégoce), il a assumé avec zèle que la forêt amazonienne appartenait au Brésil et qu’il fallait exploiter cette ressource au maximum, quitte à la remplacer par des pâturages. Et il a, dès son élection, sabré le budget de l’IBAMA et interdit à ses fonctionnaires de se rendre en Amazonie. Résultat : sous le mandat de Bolsonaro, la déforestation a bondi de 75% par rapport à la moyenne de la décennie antérieure, faisant craindre que soit bientôt atteint un point de non-retour. Dans ce cauchemar, le changement climatique induit par la déforestation empêcherait le reste de la forêt de se régénérer et la condamnerait tout entière à se transformer en savane semi-aride…

Le retour de Lula se fait déjà sentir

Alors que Lula a dévoilé son plan de lutte contre la déforestation en juin 2023, qui passe par la création de 30 000 km2 supplémentaires de réserves, la saisie des terres exploitées illégalement dans les zones protégées et le réarmement de l’IBAMA avec l’embauche de milliers de fonctionnaires, les résultats de ce volontarisme sont déjà spectaculaires sur le premier semestre 2023 avec une baisse d’un tiers des surfaces déboisées par rapport à 2022.

L’année s’annonce cependant particulièrement difficile, avec le retour d’El Nino, ce phénomène océanique naturel qui apparaît tous les trois ou quatre ans et dont les conséquences aggravent les effets du réchauffement climatique.

L’action de Lula s’est aussi déployée au niveau international : il a réuni au mois d’août les huit pays de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), une structure que Jair Bolsonaro s’était bien gardée de solliciter durant toute la durée de son mandat. La France, partie prenante des défis amazoniens, notamment avec son territoire guyanais, était présente, ainsi que la Norvège et l’Allemagne, qui financent des actions de protection, et l’Indonésie, la République du Congo et le Congo-Brazzaville, qui abritent de vastes forêts tropicales sur d’autres continents.

Est née de ce sommet une « Alliance amazonienne de combat contre la déforestation » qui aura pour but de « promouvoir la coopération régionale dans le combat contre la déforestation, pour éviter que l’Amazonie n’atteigne le point de non-retour ». Il s’agit d’un premier pas symbolique mais nécessaire, qui témoigne d’une mobilisation générale à l’échelle du sous-continent.

Lula : un pragmatique, maître dans l'art de négocier

Lula est aussi un pragmatique, qui ne souhaite pas sacrifier sur l’autel de la radicalité environnementale les immenses besoins de développement d’un Brésil qui souhaite offrir un niveau de vie décent à ses 215 millions d’habitants. Lors de son premier mandat, il a ainsi autorisé la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte, qui a nécessité de noyer 500 km2 de forêt pour installer une capacité de 11 MW, correspondant à la consommation de 5 millions de foyers. Aujourd’hui, il ne dit rien des projets offshore d’exploitation pétrolière de la compagnie nationale Petrobras non loin de l’embouchure de l’Amazone. Et il s’indigne du retard pris par la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, au nom d’arguments environnementaux (non dénués d’arrière-pensées instillées par les lobbies agricoles du Vieux continent) qui remettraient en cause la souveraineté des nations du Cône sud.

À travers le thème de la lutte contre le réchauffement climatique, Lula annonce ainsi un retour tonitruant du Brésil sur la scène diplomatique internationale, qui culminera en 2025 avec l’organisation à Bélem de la conférence des Nations unies sur le climat, la COP30. Le Brésil préside le Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’à la fin du mois d’octobre 2023 et présidera le G20 en 2024.

Lula impose ainsi un nouveau leadership fort, qui mobilise et entraîne le Sud dans une approche déculpabilisante de la lutte contre le réchauffement climatique et place les Occidentaux devant leurs responsabilités de principaux responsables de ce changement. Mais le vétéran de la politique brésilienne aura bien besoin de toute sa science de la négociation pour dépasser les obstacles intérieurs – le lobby du « bœuf » reste très influent au sein du Congrès brésilien où Lula ne dispose pas d’une majorité – et transformer une prise de conscience internationale en un plan d’action concret.

Première étape sur ce long chemin : le Sommet des Trois Bassins du Congo, de l’Amazonie et du Mékong, qui se tient du 26 au 28 octobre 2023 à Brazzaville, en République du Congo.

.Laurent Tranier

 Chef de rubrique Opinion Amériques Latines, fondateur des Editions Toute Latitude

.Michel Taube

 Fondateur d’Opinion Internationale

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21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 10:49

Retrouvez cette chronique sur Opinion internationale

C’est l’histoire d’un long rendez-vous manqué qui, peut-être, va enfin avoir lieu. Comment l’Union Européenne et l’Amérique latine – précisément les 33 États membres de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC) – ont-ils pu si longtemps s’ignorer ou presque ? Le sommet des 18 et 19 juillet 2023 qui s’est tenu à Bruxelles est en effet le premier depuis 8 ans : il ne fallait pas à ce stade en attendre des résultats spectaculaires, encore que, l’important étant déjà dans le fait de se retrouver et de manifester l’envie sincère de bien mieux et davantage travailler ensemble. C’est chose faite, comme l’annonçait en préambule la déclaration de Josep Borell, le chef de la diplomatie européenne « Renforcer notre partenariat avec cette région est un impératif stratégique. Nous sommes parmi les régions du monde les plus alignées en matière d’intérêts et de valeurs. » Au terme de la rencontre, Lula, le Président brésilien, a résumé d’une formule l’ambiance générale : « J’ai rarement vu l’Europe manifester un aussi grand intérêt pour l’Amérique latine ». Il était temps, mais cet intérêt est aujourd’hui parfaitement logique.

Des valeurs et des intérêts communs

Tout d’abord les valeurs : aujourd’hui, et à la triste exception des trois dictatures du continent – Cuba, Venezuela, Nicaragua – l’Amérique latine est un vaste espace libéral et démocratique, avec bien sûr bien des fragilités et des menaces. Nous savons que, du côté de l’Union européenne, la démocratie est dans l’ADN. Dans un monde où les régimes autoritaires semblent à la fois être de plus en plus nombreux, ambitieux et, il faut bien le dire, puissants, il est nécessaire que ceux qui ont en partage les valeurs occidentales se rapprochent pour les défendre. Et cela n’a rien d’évident, notamment devant l’agression russe contre l’Ukraine, tièdement condamnée par les Latino-américains, qui y voient plutôt un inévitable retour de bâton de l’impérialisme parfois mal placé de l’Occident, et surtout une menace pour leur sécurité alimentaire et la stabilité des prix.

Ensuite les intérêts : intérêts géopolitiques d’abord, les deux régions essayant d’échapper à la double influence / dépendance vis-à-vis des deux super-puissances, celle des États-Unis et celle de la Chine, autant qu’à leur confrontation qui se dessine. Sans perdre de vue, bien sûr, au moins du côté européen, lequel est l’allié stratégique. Sans perdre de vue non plus la différence essentielle entre l’Union Européen, qui est un bloc solide et largement intégré, alors que la CELAC est un « club » ne disposant à ce jour pas même d’un secrétariat permanent, même si l’Amérique latine développe depuis longtemps une conscience d’elle-même* qui se traduit par de nombreuses tentatives de rapprochements et de coopérations entre les États. Aujourd’hui, le souhait partagé par les deux régions est celui de l’autonomie dans un monde multipolaire.

Intérêts économiques bien sûr : le schéma hérité de l’époque coloniale, qui considère l’Amérique latine comme une ressource de matières premières brutes, minérales autant qu’agricoles, exportées et valorisées ailleurs a vécu. Peut-être dans les esprits, certainement dans les discours. L’idée au centre des projets de rapprochements économiques et commerciaux, qui sont nombreux à l’instar du complexe traité de libre-échange UE-Mercosur en gestation, est que cette relation économique apporte des bénéfices mutuels. À savoir, pour l’Amérique latine, qu’elle voie se développer sur son sol les chaines de valeurs. Le président argentin Alberto Fernandez, l’a lui-même reconnu, d’un trait d’humour froid : « Il aura fallu attendre cinq siècles pour sortir de la logique extractiviste, mais nous y sommes finalement arrivés ». Quant à l’Europe, à la recherche de marchés pour ses savoir-faire et ses produits, elle a encore plus qu’hier et moins que demain besoin des ressources en cuivre, lithium, terres rares et autres minéraux indispensables à la transformation de son mode de vie et de production à l’heure de la lutte contre le changement climatique.

L’Amérique latine a aussi besoin d’investissements massifs, dans toutes ses infrastructures de transports, énergie, eau, éducation, santé, etc. pour réussir la double transition écologique et numérique : l’Union européenne s’est engagée à apporter, sous différentes formes, 45 milliards d’Euros en soutien à 130 projets, dans le cadre de Global Gateway, l’initiative européenne qui vise à contrer l’influence des « Routes de la soie » chinoises en se voulant exemplaires en matière de gouvernance et de responsabilité sociétale.

Proximité culturelle et humaine

La proximité ancienne entre l’Amérique latine et l’Europe, c’est aussi celle des langues, l’espagnol, le portugais, ainsi que le français et l’anglais, celle des cultures avec un héritage européen important dans ce continent métissé, celle enfin tissée par les hommes à l’occasion des soubresauts de l’histoire. Après avoir été une terre d’émigration, la France a par exemple été une terre d’accueil de réfugiés politiques pendant l’époque des dictatures et les liens cultures restent forts. Quant à l’Espagne, elle accueillait en 2022, selon l’Institut national de la statistique, 3 millions de personnes nées en Amérique latine.

En attendant la France

Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler que la France est une puissance latino-américaine, présente sur le continent à travers la Guyane, présente aussi dans la région avec ses îles antillaises. Nous l'avons évoqué, la France entretient aussi des liens réels, sur le plan culturel et dans les deux sens, avec la région, où elle est aussi très présente à travers son réseau diplomatique, celui des alliances françaises, et de nombreuses entreprises. La France, enfin, a la « chance » de ne pas souffrir dans cette région du statut d’ancienne puissance coloniale, un statut de plus en plus difficile à assumer par l’Espagne, confrontée à des ressentiments plus ou moins instrumentalisés à des fins de politique interne, en raison de comportements antérieurs aux indépendances.

La France, ancienne puissance coloniale, est en recul, ce n'est rien de le dire, en Afrique. Puissance secondaire dans la zone de l'Asie-Pacifique, elle ne pèse en définitive d'aucun poids déterminant sur les grands terrains diplomatiques où semble se jouer l'avenir de la planète. Au-delà de son statut de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU (mais que pèse-t-il dès lors que les intérêts des 4 autres « grands » sont en cause ?), de son soft power culturel et du magistère moral (mais que pèse-t-il dans un monde où la realpolitik retrouve sans masques sa place prépondérante), tendant à glisser du respect des Droits de l'homme à la protection de l'environnement (dans lequel ses moyens d’action restent limités), qu’attend la France pour s’affirmer comme un moteur et un leader de la relation entre l’Europe et l’Amérique latine, dont l’enjeu est désormais stratégique ?

La première visite dans la région du Président Macron – il ne s’y est pas rendu une seule fois depuis son élection en 2017 – sera le signe bienvenu d’une prise de conscience, l’espoir d’un nouveau chapitre dans la relation entre les deux continents et la perspective d’un avenir différent pour les deux blocs transatlantiques.

* A lire : Simon Bolivar, la conscience de l'Amérique, "Lettres et discours politiques du Libertador", traduit et présenté par Laurent Tranier, Editions Toute Latitude, 192 pp., 17,80 €.

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 14:05

  La "découverte" de l'Amérique par les Européens est littéralement celle d'un nouveau monde, avec parmi ses nombreuses dimensions, celle de plantes jusqu'alors inconnues, qui vont pour certaines contribuer à nourrir la planète, du maïs à la tomate ou au cacao, et pour d'autres contribuer à la soigner. Car ce nouveau monde recèle toute une pharmacopée et tout un savoir maîtrisée par les natifs, que les Européens vont progressivement s'approprier.

  C'est cette grande aventure de l'apprentissage, d'expéditions scientifiques en interrogatoires des savants indigènes, que conte Samir Boumediene (chargé de recherche au CNRS) dans cette passionnante Colonisation du savoir, une histoire des plantes médicinales du nouveau monde.

  A lire pour tout savoir sur la découverte par les Européens des usages médicinaux du tabac, de la coca, du quinquina ou encore du peyotl.

Colonisation du savoir, une histoire des plantes médicinales du nouveau monde, de Samir Boumediene, Folio histoire, 576 pp., 10,70 €

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22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 11:35

  Avec cette Géopolitique de l'Amérique latine, Christophe Ventura (directeur de recherche à l'IRIS, spécialiste de l'Amérique latine et des Caraïbes) fait entrer par la grande porte l'Amérique latine dans la fameuse collection dirigée par Pascal Boniface aux Éditions Eyrolles, en "40 fiches illustrées pour comprendre".

  Ou plutôt, il y fait entrer les Amériques latines, avec une présentation de l'incroyable diversité de ce sous-continent aux géographies, histoires, systèmes politiques et religieux, héritages culturels et... passions sportives si divers (partie 1). L'économie, l'évolution des sociétés (partie 2), les dynamiques sociopolitiques contemporaines (partie 3) et une importante présentation de la place et du rôle de l'Amérique latine dans le monde (partie 4) dressent un portrait aussi synthétique que complet de la réalité d'aujourd'hui et des défis auxquels elle fait face. Si les États-Unis, la Chine et l'Union européenne sont des partenaires essentiels, la dynamique contrastée des relations entretenues avec eux, qui sont au cœur de l'actualité, ne doivent pas occulter des interactions croissantes avec l'Afrique, le Moyen-Orient ou l'Inde.

  Après l'Atlas de l'Amérique latine d'Olivier Dabène et Frédéric Louault, une nouvelle plongée passionnante dans le continent sous un angle géopolitique qui révèle bon nombre d'aspects inattendus. Une lecture indispensable pour ne jamais oublier à quel point l'Amérique latine détient bon nombre de réponses aux enjeux mondiaux d'aujourd'hui et de demain.

Géopolitique de l'Amérique latine, de Christophe Ventura, "40 fiches illustrées pour comprendre le monde", Eyrolles, 184 pp., 18,90 €.

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13 août 2022 6 13 /08 /août /2022 09:36

  La 6e édition de l'Atlas de l'Amérique latine par Olivier Dabène (Docteur et agrégé en science politique, professeur des universités à Sciences-Po Paris, président de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes - Opalc), Frédéric Louault (Professeur de science politique à l’université libre de Bruxelles, directeur du Centre d’étude de la vie politique (Cevipol, ULB), codirecteur du Centre d’étude des Amériques (AmericaS, ULB) et vice-président de l’Opalc) et la cartographie d'Aurélie Boissière vient de paraître aux éditions Autrement (96 pages - 24 Euros).

  Sous-titré "Polarisation politique et crises", cet ouvrage de référence sur la région se révèle une nouvelle fois bluffant par la variété des thèmes qu'il parvient à synthétiser en quelques pages. Embrassant l'histoire politique, économique et sociale, il saisit également la réalité d’un présent mouvant avec ses défis et ses progrès, sans généraliser des évolutions toujours contrastées d’un pays à l’autre.

  Cet atlas contribue à enrichir notre regard sur une réalité complexe faite - entre autres - de mutations économiques, de métissage, d'affirmation et de redécouverte des identités, de violence et de développement durable, de déclin relatif du catholicisme, d'émergence de puissants mouvements sociaux et culturels.

  Il nous offre une lecture non-manichéenne bienvenue, pour réaffirmer le rôle de l'Amérique latine post-COVID aujourd’hui et demain, à la fois armée pour répondre aux enjeux planétaires (matières premières, énergies renouvelables) mais aussi lieu d’expérimentation artistique et démocratique compatible avec les valeurs de liberté et de respect des droits humains.

Atlas de l'Amérique latine, d'Olivier Dabène et Frédéric Louault, cartographie d'Aurélie Boissière, Autrement, 96 pp., 24 €.

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25 juin 2022 6 25 /06 /juin /2022 09:14

  David A. BELL, professeur à Princeton, est historien et spécialiste de la France dans la période révolutionnaire. Son passionnant nouvel essai, Le culte des chefs - Charisme et pouvoir à l'âge des révolutions (Fayard, 380 pp., 26 €) compare cinq expériences révolutionnaires ayant conduit au pouvoir des chefs militaires charismatiques et révèle combien ces expériences sont indissociables d'enjeux démocratiques. Parmi ses sujets d'analyse : Simon Bolivar.

  Simon Bolivar, est non seulement un stratège exceptionnel et un chef de guerre exemplaire, capable de rassembler et d'entrainer des armées, mais il est aussi un intellectuel et politique supérieur, à la très forte culture des Lumières, connaisseur aussi bien de Rousseau que de Montesquieu, des constitutions anglaise ou américaine, de la pensée et de l'action de George Washington, Napoléon Bonaparte ou Toussaint Louverture en Haïti. Sa première ambition, libérer l'Amérique de son colonisateur espagnol, est atteinte au cours du premier quart du XIXe siècle, Bolivar lui-même étant directement à l'origine de six Etats existant aujourd'hui, le Vénézuéla, la Colombie, l'Equateur, le Pérou, la Bolivie et le Panama. Il souhaite aussi doter ces Etats d'institutions solides, gouvernées par l'esprit public et garantissant la liberté et la sécurité des citoyens, bannissant l'esclavage et unies en une confédération continentale...

  Tout cela a échoué largement, malgré ses immenses capacités et ce charisme que David A. BELL compare à celui des Washington, Bonaparte, Paoli ou Louverture dont il rappelle et rapproche le destin. La "magie de son prestige", l'enthousiasme public qu'il suscite, l'"acclamation universelle" qui accueille ses propositions, trop attachés à sa personne, ne lui permettent pas de consolider un Etat à l'échelle de si vastes territoires, finalement morcelés et aux intérêts divergents. Il s'effondre avec son oeuvre, qu'il a toujours refusé avec horreur de voir transformée en Empire, attaché au seul titre que nul ne lui contestera jamais, le titre de "Libertador".

  Dans tout l'hémisphère occidental, le défi de transférer ce charisme des chefs, indissociable des premiers temps de la démocratie, à des institutions efficaces, pérennes et respectueuses des libertés, reste en grande partie entier.

Le culte des chefs - Charisme et pouvoir à l'âge des révolutions, de David A. Bell, Fayard, 380 pp., 26 €.

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28 mai 2022 6 28 /05 /mai /2022 10:52

Du 26 mai au 11 juin 2022, la 9e édition de la Semaine de l'Amérique latine et des Caraïbes a labellisé 213 événements dans toute la France célébrant "les liens d’amitié et les intérêts partagés entre nos deux régions". C'est aussi l'occasion de "découvrir la richesse et la diversité de ce sous-continent autour d’une riche palette d’événements culturels, scientifiques, politiques, économiques ou simplement festifs."

La Semaine de l'Amérique latine et des Caraïbes est organisée par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, sous la coordination de son secrétaire général, l’ambassadeur Philippe Bastelica... et soutenue par le "domaine latino" des Editions Toute Latitude.

Programmation et infos pratiques :

https://semaineameriquelatinecaraibes.fr/-Le-calendrier-

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30 avril 2022 6 30 /04 /avril /2022 10:35

Jean-Jacques KOURLIANDSKY est chercheur à l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS). Spécialiste de l’Amérique latine et de l’Espagne, il est consultant, éditorialiste (Espaces Latinos) et auteur de nombreux ouvrages (Ingrid Betancourt, par-delà les apparences aux Editions Toute Latitude, L’Année stratégique, etc.). Il publie dans différentes revues spécialisées et intervient régulièrement auprès des fondations Friedrich Ebert et Jean Jaurès. Il vient de publier Progressisme et démocratie en Amérique latine – 2000-2021 aux Editions de l’Aube.

Dans cet essai l'auteur dresse un tableau de vingt années d’évolution des progressismes latino-américains, analyse le balancier des alternances politiques dans les différents pays et décrypte l’émergence d’une contestation issue de la société civile. Il offre ainsi un éclairage précis des mutations d’une gauche sud-américaine bien vivante qui, du point de vue européen, peine à émerger de la confusion démocratique qui semble gagner tout le continent...

Au sommaire :

=> État des lieux politique : des alternances imparfaites => 2014-2021 : quelles alternances ? => Des alternances aux causes multiples => La gauche latino-américaine en panne stratégique et idéologique => 2019-2021 « Que se vagabonde todos » le rejet des partis politiques => La règle électorale scrupuleusement respectée => Un rituel déconnecté des préoccupations des électeurs => Détournements du jeu démocratique => Les dés pipés d’une démocratie de calendrier => Sept grands axes partagés par tous les pays d’Amérique latine => La dimension extérieure de la domination et de l’émancipation. => Mainmise internationale => Vestige de la colonisation : la fragmentation identitaire => Les défis partagés des gauches d’Amérique latine et d’Europe => Un repli parallèle => Facteurs explicatifs => La mondialisation => Le repli émotionnel de gauches => Les dominateurs commun de gauches => Les réponses progressistes => Les chantiers en cours => Conclusion et remerciements

Progressisme et démocratie en Amérique latine, 2000-2021, de Jean-Jacques KOURLIANDSKY, Editions de l'Aube / Fondation Jean Jaurès 2022, 114 pages, 12 €

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