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  • : L'actu de l'Amérique latine
  • : Bienvenue sur le blog de l'actu de l'Amérique latine. Economie, politique, culture, environnement : les analyses de votre blog latino.
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Le livre

Simon Bolivar
La conscience
de l'Amérique

Editions Toute Latitude
192 pp. - 17,80 €
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Les lettres et discours politiques essentiels du Libertador : la porte d'entrée désormais classique dans l'univers de Simon Bolivar et dans la pensée politique contemporaine en Amérique latine. Traduit et présenté par Laurent Tranier.

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Le blog de l'actu de l'Amérique latine, en partenariat avec :
.Les Editions Toute Latitude

6 octobre 2024 7 06 /10 /octobre /2024 14:59

Latinomag.fr est partenaire d'Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité"

L’Amérique latine est de retour. L’éclipse n’en était pas vraiment une, tant la musique, la littérature, le cinéma, en réalité la culture et l’art de vivre latinos sont très présents en France, et pas seulement à Paris. Qu’y a-t-il de commun entre l’exposition « Mexica, des dons et des dieux au Templo Mayor » qui a illuminé l’été du Musée du Quai Branly Jacques Chirac et celle consacrée à « Tarsila do Amaral, Peindre le Brésil moderne » que propose, sous la tutelle du Sénat, le Musée du Luxembourg jusqu’au 2 février 2025 ? Peu de choses, en réalité, sinon l’éclatante confirmation que du Mexique précolombien au Brésil moderne, le continent dans la diversité de son histoire – de ses nombreuses histoires entremêlées – et de sa créativité sans complexes a tellement à nous offrir.

Les 150 œuvres réunies au Musée du Luxembourg par le Grand Palais Rmn et le Musée Guggenheim Bilbao (où on les retrouvera en 2025) constituent la première grande exposition hors du Brésil pour cette figure de la peinture moderne brésilienne qui bénéficie d’une forte reconnaissance dans son pays. Tarsila do Amaral (1886-1973), issue de la haute société blanche et caféicultrice, s’est confrontée aux avant-gardes artistiques à Paris dans les années 1920, passage obligé pour toute ambition intellectuelle d’Amérique latine et signe supplémentaire de la proximité et de l’influence réciproque entre la France et cette région du monde.

Associée au modernisme brésilien, au mouvement « Pau Brasil » (1924-1925), elle se reconnaît aussi dans l’« Anthropophagie » (1928-1929). Rassurons-nous, « faisant référence à la pratique indigène du cannibalisme comme « dévoration de l’autre » dans le but d’en assimiler ses qualités, ce courant décrit, métaphoriquement, le mode d’appropriation et de réélaboration constructive, de la part des Brésiliens, des cultures étrangères et colonisatrices. » Nulle chair humaine là-dessous mais bien une source d’inspiration métissée qui produit « des paysages aux couleurs vives et aux lignes claires alternant avec des visions oniriques et mystérieuses conduisant à un réalisme à forte vocation sociale dans les créations des années 1930, un gigantisme onirique dans les années 1940 ou une géométrie presque abstraite de certaines compositions tardives » selon le catalogue de l’exposition.

Un univers exotique et coloré rassemblé en une magnifique exposition par la commissaire Cecilia Braschi. À ne pas manquer, du 9 octobre 2024 au 2 février 2025, au Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 PARIS.

https://museeduluxembourg.fr/fr

Laurent TRANIER
Chef de rubrique Amériques latines d'Opinion Internationale, fondateur des Éditions Toute Latitude

À lire aux Éditions Toute Latitude, La femme, ennemie de la femme, d’Alfonsina Storni, collection « Esprit latino », septembre 2024.

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9 avril 2024 2 09 /04 /avril /2024 20:08

Latinomag.fr est partenaire d'Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité"

  L’agenda était serré et le rythme soutenu, mais les objectifs ont été globalement atteints. La visite d’Emmanuel Macron au Brésil du 26 au 28 mars a permis à l’omni-président français de cocher toutes les cases. Il faut dire que le terrain avait été soigneusement préparé, et que cette première visite d’État dans un pays d’Amérique latine depuis son accession à l’Élysée, s’annonçait sans embûches. Une perte est cependant à déplorer : le traité de libre-échange UE-Mercosur, enterré très profondément au fin fond de l’Amazonie.

  Ce voyage revêtait une charge symbolique forte, celle de la renaissance de la vieille amitié autant que de l’alliance stratégique ancienne entre deux puissances intermédiaires après la parenthèse de la présidence Bolsonaro.

  Lula da Silva et Emmanuel Macron entretiennent de longue date – et mettent en scène complaisamment – leur proximité. Souvenons-nous qu’en 2022, Emmanuel Macron avait reçu Lula avec les honneurs dus à un chef d’État, alors que celui-ci n’était encore que candidat à l’élection présidentielle. Se tenant par la main, se prenant à chaque instant dans les bras, ils n’ont pas failli à leur habitude, jusqu’à susciter l’amusement de la presse internationale, le Guardian ayant par exemple salué une rencontre semblant relever « davantage de l’escapade romantique que de la diplomatie internationale ».

  Au cours des 48 heures de la visite, les occasions ont donc été nombreuses de partager des moments de complicité et de compréhension mutuelle, et d’avancer vers l’objectif de présenter des positions communes au sommet du G20 de novembre prochain et à la COP30 de 2025 qui se dérouleront tous les deux au Brésil. La protection des peuples autochtones et de leurs territoires, celle de la forêt amazonienne et de la biodiversité, la question de la lutte contre la pauvreté et celle de la gouvernance mondiale, notamment au sein du FMI et de la Banque mondiale, ont offert plusieurs points d’accord.

  Les sujets de désaccord étaient également clairement identifiés : le Brésil se veut leader du Sud global. Il doit donc trouver un certain équilibre au sein de la rivalité entre les États-Unis et leurs alliés d’une part, la Chine et les siens, dont la Russie, d’autre part. Soit entre les démocraties occidentales, dont on pourrait penser que son modèle politique le rapproche, et des régimes autocratiques qui sont essentiels pour lui sur le plan économique. Il n’y a donc pas eu d’évolution des positions respectives de la France et du Brésil sur l’agression russe en Ukraine, ni sur la guerre entre le Hamas et Israël.

  S’agit-il donc de dire que la visite s’est déroulée sans accroc ni surprise, et que les succès, aussi modestes qu’attendus, ont réduit cette rencontre à une simple formalité ? 

Le projet d’accord de libre-échange UE-Mercosur définitivement enterré

  Et bien pas tout à fait, car une fois au moins, Emmanuel Macron, que l’on sait friand de sorties de route – pas toujours contrôlées d’ailleurs – a surpris son auditoire : ainsi, côté français comme côté brésilien, tout le monde était d’accord pour dire qu’il y avait un désaccord sur le projet de traité de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. La cause était entendue, les discussions informelles devaient aborder le sujet pour essayer de mieux comprendre la nature de ces désaccords, mais rien de fracassant – ni de public – n’était attendu.

  Emmanuel Macron, prenant la parole devant les entreprises françaises et leurs partenaires brésiliens présents au Forum franco-brésilien sur le verdissement de l’économie de Sao Paulo, s’est montré plus tranchant que ce que l’on attendait. Devant cet auditoire, il a clairement enterré l’accord négocié depuis 1999 entre les deux institutions régionales : « L’accord UE-Mercosur tel qu’il est aujourd’hui négocié est un très mauvais accord, pour vous et pour nous : dans cet accord il n’y a rien qui prend en compte le sujet de la biodiversité et du climat. Rien ! C’est pour cela que je dis qu’il n’est pas bon » a expliqué Emmanuel Macron avant de conclure : « Finissons-en avec le Mercosur d’il y a 20 ans ! Bâtissons un nouvel accord (…) qui soit responsable d’un point de vue de développement, de climat et de biodiversité. »

  Le message avait peut-être une dimension de politique intérieure, mais il faudra bien aussi que les partenaires européens de la France et que la Commission européenne l’entendent : si on ne veut pas se retrouver au même point dans un quart de siècle, il va falloir remettre sérieusement le métier sur l’ouvrage et renégocier en profondeur l’accord aujourd’hui sur la table. 

Le président français n’a pas torpillé l’idée d’un sous-marin brésilien à propulsion nucléaire

  Un moment fort de la visite a été la mise à flot du 3e sous-marin de la classe des Scorpène à propulsion conventionnelle sur les 4 que le Brésil a achetés à la France en 2008. Lula a saisi l’occasion pour rappeler l’ambition du Brésil de se doter de sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, une technologie que maîtrise la France mais qu’elle ne souhaite pas vendre à ses partenaires, autant pour des raisons stratégiques que par respect des traités sur la non-prolifération nucléaire.

  Emmanuel Macron – réelle ouverture ou simple envie de ne pas gâcher l’ambiance ? – a eu une réponse suffisamment ambiguë pour permettre au Brésilien de comprendre que la France pourrait, dans une certaine mesure, accompagner le Brésil dans ses efforts. Qu’en sera-t-il ? Il est pour l’heure prématuré de conclure.

  Ce voyage présidentiel sur le continent latino-américain, potentiellement si stratégique, était nécessaire. La France, comme l’Europe, reste en quête de partenaires fiables, riches en matières premières agricoles et minière, et dotés de marchés intérieurs importants avec de forts besoins d’équipement. Emmanuel Macron y a montré la figure du président soucieux de l’avenir écologique de la planète et du rôle géopolitique de la France. Il a insisté sur les opportunités économiques offertes par le Brésil, où les entreprises françaises sont très présentes, mais s’est aussi montré soucieux d’attirer des capitaux brésiliens en France, où ils sont encore trop peu présents selon lui. Il s’est d’ores et déjà engagé à être présent au prochain G20 et à la COP30 de 2025. L’ancien banquier a ainsi calculé qu’il serait allé trois fois en visite sur le sol du géant latino, soit une de plus que François Hollande durant son mandat présidentiel. Un point pour lui contre ceux qui critiquent sa négligence du sous-continent latino-américain. C’est peut-être déjà ça de pris mais cela ne fait toujours pas une véritable politique à destination de ce continent.

Laurent Tranier
Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latine, fondateur des Éditions Toute Latitude
Guillaume Asskari
Journaliste et producteur, spécialiste de l’Amérique latine
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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 17:27

Latinomag.fr est partenaire d'Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité"

 

  Du 26 au 28 mars, Emmanuel Macron est accueilli en visite d’État au Brésil. C’est son premier voyage présidentiel en Amérique latine, et il est le premier dirigeant européen à être reçu avec de tels égards au Brésil depuis le retour de Lula au pouvoir, début 2023. Peut-être, sur place, prendra-t-il conscience de tous les bénéfices qu’il y aurait pour la France et pour l’Europe à approfondir la relation avec le pays et le sous-continent.

  Les Sud-Américains sont francophiles et espèrent beaucoup de Paris. Et le drame est que les Français ne le savent pas et ignorent souvent ce grand continent ! Emmanuel Macron va-t-il réparer, en se rendant au Brésil, cette réflexion que nous partagions avec Jean-Pierre Bel, à l’époque président du Sénat français, et grand sud-américanophile.

  Bélem, Rio, Sao Paulo et Brasilia en 48 heures chrono. C’est un marathon à la vitesse d’un sprint qui est donc promis au Président français. Il faut dire qu’il y a tellement de choses à rattraper, avec le Brésil comme avec l’ensemble de l’Amérique latine !

  Pourquoi cette visite ? Selon l’Élysée, la planète vit un « moment brésilien ». Et il est donc nécessaire, après la glaciation de la période Bolsonaro – les deux chefs d’États s’insultaient parfois (on se rappelle le G7 tenu à Biarritz en 2019) mais ne se parlaient jamais – de relancer la « relation bilatérale » à un « niveau stratégique ». En effet, il semble que la France et le Brésil soient alignés sur les « grands enjeux globaux ». N’ayons pas peur des mots, ce voyage sera le signe d’une véritable « renaissance ».

  Concrètement, les deux pays souhaitent se mettre d’accord en matière de lutte contre le changement climatique. La France et le Brésil, historiquement décarbonés en raison de son parc nucléaire pour la première, du recours aux agrocarburants pour le second, souhaitent porter des propositions communes lors des grandes échéances à venir, qui se dérouleront du reste au Brésil : le sommet du G20 à Rio en novembre et la COP30 à Belém en 2025.

  Il sera bien sûr question d’économie, les entreprises françaises étant très présentes, et de longue date, au Brésil. Le grand sujet qui fâche, le projet de traité de libre-échange « UE-MERCOSUR », bloqué côté européen par la France au grand désarroi des Brésiliens sera-t-il évoqué ? On peut en douter car, « comme son nom l’indique» rappelle l’Élysée, ce n’est pas un sujet français et il sera, le moment venu, « discuté entre l’Union européenne et le Brésil ». Mais la voix de Paris compte encore à Bruxelles…

  Côté français, il sera aussi question d’accompagner et de soutenir le Brésil, qui se voit en leader du « Sud Global » dans sa volonté de modifier les équilibres internationaux au « sein des institutions de Bretton Woods », soit le FMI et la Banque mondiale.

  Il sera également question de coopération fiscale, de recherche scientifique et de culture, la France et le Brésil ayant prévu une « saison culturelle croisée » en 2025.

  Si le retour d’un dialogue au plus haut niveau est en soi une excellente nouvelle – le Brésil et la France sont de longue date des pays amis et proches – il faut bien dire que l’ambition de cette première rencontre, au-delà des hyperboles relevant de la communication des uns et des autres (le climat et la transition écologique, la diversité des sociétés et le dialogue avec l’Afrique, la démocratie et la mondialisation équitable seront au menu des discussions), ne saute pas aux yeux. Et cela pour une raison simple : dans le monde tel qu’il se dérègle, la France et le Brésil ne sont plus au centre du jeu.

  Car la question qui se pose est finalement : quel Lula s’apprête à recevoir quel Emmanuel Macron ? Côté français, nous avons un champion dont la puissante armée vient de se faire bouter hors d’Afrique par une poignée de blogueurs et de mercenaires russophiles. Nous avons un président qui ne parvient décidément pas à faire comprendre l’intérêt d’invoquer « des opérations de soldats français sur le terrain en Ukraine » : ni aux Français qui n’ont pas envie que leur pays attaque une puissance nucléaire, ni aux partenaires de la France qui redoutent une escalade, ni du reste aux Ukrainiens qui demandent de toute urgence des munitions et des armes conventionnelles. Ne parlons pas de sa proposition vite oubliée de mobiliser contre le Hamas la coalition qui a combattu l’EI…

  Côté brésilien, nous avons retrouvé le Lula plein de fougue, celui de ses premières présidences entre 2002 et 2010, en héraut triomphant du multilatéralisme, prêt à s’engager dans toutes les médiations, tellement confiant dans la force de sa « diplomatie de la cordialité » qu’il en avait rêvé un instant de réconcilier les Etats-Unis et l’Iran.

  Sauf que si Lula est resté le même, le monde a bien changé. Et les grandes démocraties occidentales ont beaucoup de mal à admettre qu’entre la Russie et l’Ukraine, Lula renvoie dos à dos l’agresseur et l’agressé, ou qu’il compare l’attitude d’Israël à Gaza, à celle du IIIe Reich, et oublie de rappeler la responsabilité du Hamas. Sa complaisance avec le dictateur vénézuélien d’extrême gauche Nicolas Maduro a fait tiquer jusqu’au président communiste du Chili, Gabriel Boric, qui n’avait pas apprécié que Lula décrive les massacres perpétrés par le régime vénézuélien comme un simple « narratif destiné à justifier les sanctions internationales ».

  Bref, à l’heure où le monde multipolaire se scinde en deux blocs, celui des démocraties occidentales autour des Etats-Unis, et celui des régimes autoritaires autour de la Chine et de son vassal russe, la position ambivalente du leader autoproclamé du « Sud Global » devient de plus en plus inconfortable.

  Que sortira-t-il du dialogue avec une France quelque peu démonétisée ? Emmanuel Macron et Lula parviendront-ils à montrer que ces deux puissances, qui eurent leurs heures de gloire, peuvent faire mieux que claudiquer de concert ? Et espérer que, bras dessus bras dessous, elles retrouvent un peu de superbe, sinon de crédibilité ?

  Les Jeux Olympiques de Rio, organisés en 2016 mais obtenus sous la présidence de Lula, avaient sonné le triomphe du soft power brésilien. Ils avaient notamment sacré la seleçao de football. Signe des temps, celle-ci ne s’est même pas qualifiée et sera une des grandes absentes de Paris 2024.

*Mas, que nada est le titre d’un grand succès du chanteur et musicien brésilien Jorge Ben Jor paru en 1963. Le titre signifie « Mais ce (n’est) rien », une expression pour dire « C’est mieux que rien ».

Michel Taube, fondateur d'Opinion Internationale

Laurent Tranier,
Rédacteur en chef d'Opinion Internationale, chef de rubrique Opinion Amériques latines, directeur des Éditions Toute Latitude
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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 15:10

Latinomag.fr est partenaire d'Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité"

 

  L’économie est l’un des grands enjeux de la visite d’État d’Emmanuel Macron au Brésil. L’Élysée rappelle que « le Brésil est le premier partenaire commercial de la France en Amérique latine, devant le Mexique. En 2023, les échanges commerciaux ont atteint 8 milliards d’Euros, soit un niveau équivalent à celui de l’avant-Covid. » Le pays offre un vaste marché et représente, en termes de géographie, de population ou de PIB, environ la moitié de l’Amérique du Sud
  Le changement politique, à la suite du retour de Lula à la présidence début 2023, malgré les soubresauts qui l’ont accompagné à Brasilia, n’a pas amené d’incertitude parmi les opérateurs. Contrairement aux attentes, Lula est par ailleurs parvenu à obtenir d’un Congrès qui était sensé lui être hostile, un certain nombre de résultats concrets. Il a ainsi pu renouer avec des dispositifs de cohésion sociale qui avaient porté des résultats lors de ses premiers mandats, qu’il s’agisse de Bolsa famila (bourse familiale) une allocation destinée aux familles défavorisées qui scolarisent leurs enfants ou de Minha casa, minha vida (Ma maison, ma vie), qui permet de loger les plus modestes pour un coût réduit. D’autre part, Lula est parvenu à lever en partie la limite imposée par la Constitution du pays aux dépenses sociales. Et il a avancé dans la direction d’une simplification de l’inextricable maquis fiscal qui fait du Brésil un modèle de bureaucratie tropicale.
  Cet environnement globalement propice aux affaires est important pour la France, dont tous les fleurons sont installés dans le pays. Charles-Henry Chenut, avocat français installé au Brésil et Conseiller du Commerce Extérieur de la France, rappelle ainsi que « 39 des 40 entreprises du CAC 40 sont présentes au Brésil, avec des positions fortes dans des secteurs porteurs : les énergies, la transition écologique, la santé, la silver économie, l’agroalimentaire, les infrastructures, la défense… La présence française est structurée et les entreprises travaillent bien. Le retour d’un dialogue politique au plus haut niveau est une bonne nouvelle pour tout le monde. »
  Au total, ce sont plus de 1150 entreprises françaises, employant 500 000 personnes, qui sont basées au Brésil, pour un stock d’investissements de 40 milliards d’Euros, supérieur à celui de la Chine. Emmanuel Macron, accompagné de deux délégations de chefs d’entreprises – une quarantaine réunis par Business France et quatre-vingt par le MEDEF – rencontrera la communauté française des affaires à Sao Paulo et il y clôturera le Forum franco-brésilien sur le verdissement de l’économie.
  Un long échange est également prévu avec des entrepreneurs brésiliens : l’objectif est d’attirer des investissements sur le territoire national et de lancer des invitations à venir constater l’attractivité du pays lors du prochain sommet Choose France qui se déroulera en métropole.
  Durant toute la visite, le Président français devra cohabiter avec un « éléphant dans la pièce » comme disent les anglo-saxons : le projet pourtant essentiel de traité de libre-échange « UE-MERCOSUR », bloqué côté européen par la France, sera-t-il évoqué ? Selon l’Élysée, et comme son nom l’indique, ce n’est pas un sujet français : il sera, le moment venu, « discuté entre l’Union européenne et le Brésil »…
  Charles-Henry Chenut dresse un portrait favorable du Brésil sur le plan macroéconomique : « on peut dire que le Brésil se porte bien. Le pays a connu en 2023 une croissance appréciable de son PIB de 3%, l’inflation est à moins de 5%, le taux de chômage est au plus bas depuis 2014. Le pays est un grand exportateur, d’abord vers la Chine, qui est son premier partenaire commercial, mais l’ouverture internationale est importante et en croissance, notamment avec l’Afrique. »
  Le choix du Brésil par le président de la République française est donc une véritable opportunité de conquête de marchés pour la France.
Laurent Tranier
Rédacteur en chef d'Opinion Internationale, chef de rubrique Opinion Amériques latines, directeur des Éditions Toute Latitude
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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 14:59

Latinomag.fr inaugure un partenariat

avec Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité", son fondateur Michel TAUBE et son Rédacteur en chef Radouan KOURAK.

Nous vous invitons à découvrir Planète verte, le dossier sur le Sommet des Trois Bassins - Amazonie, Congo, Mékong - de Brazzaville pour la préservation des forêts tropicales.

 

Lula avec la ministre de l’Environnement du Brésil Marina Silva

A l’été 2019, les terribles incendies ravageant l’Amazonie avaient enflammé les esprits en marge du sommet du G7 de Biarritz : on se souvient des échanges fort peu diplomatiques – mieux vaut oublier les insultes venues du Brésil – entre Jair Bolsonaro et Emmanuel Macron, lequel avait dignement conclu la polémique en espérant que « très rapidement » les Brésiliens « auront un président qui se comporte à la hauteur ».

Nous le savons, le vœu du président français (et de quelques autres) a été exaucé : Luiz Inacio Lula da Silva est redevenu le 1er janvier 2023 Président de la République fédérative du Brésil, après deux premiers mandats à la tête du géant latino-américain entre 2003 et 2010. Et la planète a poussé un grand « ouf » de soulagement.

Car il l’avait promis. Et il l’a déjà fait en bonne partie !

En effet, le président Lula s’était engagé à stopper la déforestation illégale de l’Amazonie à l’horizon 2030. Et le mouvement est déjà bien lancé !

C’est que l’Amazonie, « poumon vert » de la planète, est le principal poumon de notre « planète verte ».

Cet immense écosystème de forêt vierge tropicale humide de 5,5 millions de km2 – 10 fois la France – qui s’étend sur neuf pays sud-américains : le Brésil (qui en possède 60%), le Surinam, le Guyana, le Venezuela, le Pérou, la Colombie, l’Équateur, la Bolivie, et la France, en Guyane. « Château d’eau » du continent avec 20% des réserves d’eau douce de la planète, « réserve de biodiversité » avec 50 à 70% des espèces animales et végétales recensées dans le monde selon le WWF, la réalité amazonienne dépasse les clichés.

Mais, comme chacun le sait, l’Amazonie est menacée, victime d’une déforestation continue qui a conduit à la perte de 17 % de sa surface originelle en un demi-siècle, principalement en raison de l’action des hommes. Les surfaces consacrées à l’élevage s’étendent à une vitesse phénoménale, et l’Amazonie est aussi rattrapée par la culture du soja, dont des variétés nouvelles s’adaptent de mieux en mieux aux latitudes tropicales : « Le Brésil est devenu, en quelques années, le premier producteur au monde de soja avec 156 millions de tonnes pour la récolte 2022-2023 (cinq fois la production européenne d’oléagineux !), sur une surface de 44 millions d’hectares (soit l’équivalent de l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas réunis). » (Le Monde, 10 octobre 2023).

Lula a déjà fait ses preuves

Lors de ses premiers mandats, Lula a réussi à réduire massivement la déforestation, passée d’un record de 27 000 km2 en 2004 à moins de 7000 km2 en 2011. La délimitation de terres sanctuarisées et réservées aux peuples indiens a contribué à ce ralentissement, qui n’a été possible que par la présence de l’État à travers l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (l’IBAMA, la police de l’environnement, dépendant de ce même ministère) et les poursuites judiciaires effectivement engagées contre les responsables de la déforestation illégale. La politique de Lula s’est poursuivie sous la présidence de sa camarade du PT, Dilma Roussef, et le chiffre s’est maintenu, en moyenne annuelle, sous les 7000 km2 entre 2009 et 2018.

Le mandat de Jair Bolsonaro (2019-2022) a été tout autre. Porté au pouvoir par l’alliance des « BBB », les lobbies de « la Bible, des Balles et du Bœuf » (à savoir celui des chrétiens évangéliques, celui des armes et celui de l’agronégoce), il a assumé avec zèle que la forêt amazonienne appartenait au Brésil et qu’il fallait exploiter cette ressource au maximum, quitte à la remplacer par des pâturages. Et il a, dès son élection, sabré le budget de l’IBAMA et interdit à ses fonctionnaires de se rendre en Amazonie. Résultat : sous le mandat de Bolsonaro, la déforestation a bondi de 75% par rapport à la moyenne de la décennie antérieure, faisant craindre que soit bientôt atteint un point de non-retour. Dans ce cauchemar, le changement climatique induit par la déforestation empêcherait le reste de la forêt de se régénérer et la condamnerait tout entière à se transformer en savane semi-aride…

Le retour de Lula se fait déjà sentir

Alors que Lula a dévoilé son plan de lutte contre la déforestation en juin 2023, qui passe par la création de 30 000 km2 supplémentaires de réserves, la saisie des terres exploitées illégalement dans les zones protégées et le réarmement de l’IBAMA avec l’embauche de milliers de fonctionnaires, les résultats de ce volontarisme sont déjà spectaculaires sur le premier semestre 2023 avec une baisse d’un tiers des surfaces déboisées par rapport à 2022.

L’année s’annonce cependant particulièrement difficile, avec le retour d’El Nino, ce phénomène océanique naturel qui apparaît tous les trois ou quatre ans et dont les conséquences aggravent les effets du réchauffement climatique.

L’action de Lula s’est aussi déployée au niveau international : il a réuni au mois d’août les huit pays de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), une structure que Jair Bolsonaro s’était bien gardée de solliciter durant toute la durée de son mandat. La France, partie prenante des défis amazoniens, notamment avec son territoire guyanais, était présente, ainsi que la Norvège et l’Allemagne, qui financent des actions de protection, et l’Indonésie, la République du Congo et le Congo-Brazzaville, qui abritent de vastes forêts tropicales sur d’autres continents.

Est née de ce sommet une « Alliance amazonienne de combat contre la déforestation » qui aura pour but de « promouvoir la coopération régionale dans le combat contre la déforestation, pour éviter que l’Amazonie n’atteigne le point de non-retour ». Il s’agit d’un premier pas symbolique mais nécessaire, qui témoigne d’une mobilisation générale à l’échelle du sous-continent.

Lula : un pragmatique, maître dans l'art de négocier

Lula est aussi un pragmatique, qui ne souhaite pas sacrifier sur l’autel de la radicalité environnementale les immenses besoins de développement d’un Brésil qui souhaite offrir un niveau de vie décent à ses 215 millions d’habitants. Lors de son premier mandat, il a ainsi autorisé la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte, qui a nécessité de noyer 500 km2 de forêt pour installer une capacité de 11 MW, correspondant à la consommation de 5 millions de foyers. Aujourd’hui, il ne dit rien des projets offshore d’exploitation pétrolière de la compagnie nationale Petrobras non loin de l’embouchure de l’Amazone. Et il s’indigne du retard pris par la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, au nom d’arguments environnementaux (non dénués d’arrière-pensées instillées par les lobbies agricoles du Vieux continent) qui remettraient en cause la souveraineté des nations du Cône sud.

À travers le thème de la lutte contre le réchauffement climatique, Lula annonce ainsi un retour tonitruant du Brésil sur la scène diplomatique internationale, qui culminera en 2025 avec l’organisation à Bélem de la conférence des Nations unies sur le climat, la COP30. Le Brésil préside le Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’à la fin du mois d’octobre 2023 et présidera le G20 en 2024.

Lula impose ainsi un nouveau leadership fort, qui mobilise et entraîne le Sud dans une approche déculpabilisante de la lutte contre le réchauffement climatique et place les Occidentaux devant leurs responsabilités de principaux responsables de ce changement. Mais le vétéran de la politique brésilienne aura bien besoin de toute sa science de la négociation pour dépasser les obstacles intérieurs – le lobby du « bœuf » reste très influent au sein du Congrès brésilien où Lula ne dispose pas d’une majorité – et transformer une prise de conscience internationale en un plan d’action concret.

Première étape sur ce long chemin : le Sommet des Trois Bassins du Congo, de l’Amazonie et du Mékong, qui se tient du 26 au 28 octobre 2023 à Brazzaville, en République du Congo.

.Laurent Tranier

 Chef de rubrique Opinion Amériques Latines, fondateur des Editions Toute Latitude

.Michel Taube

 Fondateur d’Opinion Internationale

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24 avril 2023 1 24 /04 /avril /2023 12:13

  Voilà plus de 100 jours maintenant que Lula est de retour au pouvoir au Brésil : on peut dire que son installation a été difficile et agitée, comme en témoignent les événements du 8 janvier 2023 à Brasilia qui ont ébranlé les pouvoirs constitutionnels. Et lui faudra du temps pour commencer à présenter des résultats positifs – dans le meilleur des cas – dans les nombreux domaines, de la protection de l’environnement à la lutte contre la pauvreté, dans lesquels il est attendu.

  Un événement récent vient de ponctuer cette période, c'est le retour au pays de son prédécesseur Jair Bolsonaro, après qu'il l’ait quitté juste avant l'investiture de Lula à laquelle il n'a pas participé. Il était aux États-Unis pour se reposer, se faire soigner, rencontrer ses partisans… et essayer de ne pas être associé à tout ce qui pouvait se passer au Brésil.

  Bolsonaro a été un candidat clivant lors de la campagne pour sa réélection lors de l’élection présidentielle de 2022. Il a bénéficié à la fois d'une forte adhésion de ses partisans, et il a souffert d'un fort rejet de tous ceux que ses politiques et ses positions radicales hérissent. Cela a mené à une mobilisation très forte autour de lui et en même temps cela a permis à son adversaire Lula d'agréger en grand nombre les voix de ceux qui le rejettent à celles de ses partisans anciens dont il a retrouvé le soutien. On l'a vu, cela a constitué une majorité d’électeurs à l'élection présidentielle, mais une très courte majorité.

Bolsonaro plus fort que jamais ?

  À présent, Bolsonaro est de retour, physiquement, sur le sol brésilien. Il va continuer à mener une bataille idéologique intense. Il va aussi pouvoir s'appuyer sur les victoires électorales et donc les positions institutionnelles de nombre de ses soutiens. Bolsonaro est aussi le nom d'une famille. Il y a Michelle, l'épouse de Jair, et il y a ses trois fils, Flavio, Carlos et Eduardo, tous impliqués à ses côtés, tous prêts à continuer à le porter et, quand il le faudra, à lui succéder.

  On observe que malgré toutes ses prises de positions radicales, toutes ses déclarations extrêmes, il essaie de rester dans une légalité relative hors de laquelle il n'y aurait pour lui pas de salut politique. Dès lors il y aura certainement des tentatives judiciaires, pas toutes infondées, de l'écarter pour des motifs de droit commun, à la suite d’actions commises ou de propos tenus au cours de son mandat, avant, ou même après. Mais il n'y aura rien de si évident – comme une tentative de coup d’État à laquelle il serait directement relié – qui l’empêche de retourner le propos : il pourra toujours dénoncer des « complots » de ses adversaires, destinés à l'écarter du pouvoir. Par exemple il ne sera vraisemblablement pas aisé ni évident de relier Bolsonaro aux événements du 8 janvier qui ont bouleversé Brasilia et qui sont considérés comme une tentative de coup d'Etat.

  Le leadership de Bolsonaro sur l’ensemble de l'opposition au lulisme reste en réalité aujourd'hui difficilement contestable. Les soutiens historiques de Bolsonaro, les évangéliques, l'armée et les organismes de sécurité, les lobbys agro-industriels, celui des détenteurs d'armes et en réalité tous les conservateurs ainsi qu'une partie des milieux d'affaires, sont toujours là, et sont prêts à se mobiliser encore à ses côtés à l'avenir. Que ce soit contre un Lula qui aurait des velléités de se représenter – faute d'alternative dans son camp car il aura 81 ans au terme de son mandat – au terme d’un mandat qu'il est aujourd'hui bien difficile d'imaginer qu'il sera réussi, ou face au successeur qui émergerait.

L'enjeu intérieur : Lula face au défi de sa vie

  Lula dispose aujourd'hui de bien peu de leviers. En particulier, sa position au congrès est plus fragile qu'elle ne l'était lors de ses deux premiers mandats, parce qu’il y a face à lui l’alternative que représente le bolsonarisme qui, grâce au morcellement sans précédent des assemblées reste la première force au Congrès. C'est cette force, avec l'inertie qu'elle représente et sa capacité à organiser une opposition jusqu’à dicter en partie l’agenda, mais aussi à représenter une alternative pour le futur avec son leader Jair Bolsonaro, qui complique le jeu parlementaire de Lula.

  Lula, d'autre part, a été élu avec une très courte majorité absolue, ce qui lui sera constamment rappelé. Ses adversaires historiques sont toujours ses adversaires, en particulier les milieux d'affaires et les grands médias. Et s'ils se sont plutôt opposés à Bolsonaro lors de l’élection, lui préférant le moindre mal que Lula – et ses alliés du centre-droit traditionnel – représentait à leurs yeux, celui-ci ne doit en attendre aucun soutien. Au contraire, ils ne lui laisseront rien passer. Et les 100 premiers jours de Lula, entre ce qui semble être une explosion de violences dans les écoles, une déforestation record en Amazonie, une crise économique et sociale qui s'aggrave avec en particulier une inflation alimentaire qui a fait exploser la pauvreté et qui maintient dans l'insécurité alimentaire un nombre croissant de Brésiliens, ont peu pour convaincre.

  Lula a été critiqué en Occident à la suite de sa visite en Chine pour sa proximité avec le régime chinois mais aussi pour sa position d'équilibre, pour ne pas dire d'équivalence, entre la Russie et l'Ukraine. Il n'y a pourtant là, venant de Lula, rien de nouveau ni de surprenant. Lula appartient à une certaine génération, il a un passé et une culture politique de gauche radicale, et même si son passage au pouvoir a fait de lui un pragmatique, il a toujours eu un discours anti-impérialiste – c'est-à-dire plus ou moins ouvertement anti-américain – et il est l'artisan de l'explosion des échanges entre le Brésil leader de l'Amérique latine et leader agroalimentaire mondial, et la Chine dans laquelle il a vu un fabuleux marché en même temps qu’un partenaire géostratégique d'équilibre. Aujourd'hui, considérant l'importance prise par la Chine – et son marché – pour le Brésil, on peut même se poser la question de la réelle autonomie dont dispose désormais le pays vis-à-vis d’elle, mais ce n'est pas cela qui qui fera dévier Lula de sa trajectoire ancienne. Et d'ailleurs le problème n'est pas vraiment ici.

  Pour Lula, comme pour le Brésil, le problème est intérieur. Que ce soit pour mener aujourd'hui la politique que ses partisans attendent de lui ou pour faire face demain au défi électoral : il s'appelle Jair Bolsonaro.

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6 octobre 2022 4 06 /10 /octobre /2022 09:54

  Le premier tour de l’élection présidentielle brésilienne qui s’est déroulé le 2 octobre 2022 a moins été un échec pour la candidature de large coalition de gauche et de centre-gauche de Lula da Silva (48,4 % et 57 millions de voix) qu’une confirmation de l’enracinement de Jair Bolsonaro et de l’idéologie de droite radicale qu’il véhicule – ou qui le porte.

Enracinement des idées de Bolsonaro

  Outre son score de 43,2 % et 51 millions de voix, en léger retrait par rapport à l’élection de 2018, c’est la forte progression de ses alliés, qui constitueront le groupe le plus nombreux dans chacune des deux chambres du Parlement fédéral, ainsi que dans l’élection des gouverneurs des 27 États de la fédération, qui est frappante. Victoire dès le premier tour dans les principaux États, Minas Gerais, Rio et dans le district de la capitale Brasilia. Dans l’État de Sao Paulo, le plus peuplé, le plus riche, le plus symbolique, Fernando Haddad, personnalité d’envergure nationale s’il en est puisque c’est lui qui avait « remplacé » Lula (alors emprisonné) comme candidat du Parti des Travailleurs lors de la présidentielle de 2018 avant d’être battu par Bolsonaro, est en passe d’être balayé au second tour par le candidat du bolsonarisme, Tarcisio de Freitas.

  Comment expliquer cette situation alors que s’achève un mandat présidentiel marqué par le déni face au COVID et le démarrage tardif de la vaccination, le saccage de l’environnement - et pas seulement en Amazonie - au profit de l’agronégoce et de l’exploitation sauvage des matières premières, le retour massif de la pauvreté et même de la faim dans la population, et la fragilisation de toutes les minorité, ethniques ou sexuelles ? Le tout dans un contexte de violence criminelle, policière et politique exacerbée, de corruption du pouvoir (un mal assez équitablement partagé entre les différents camps) et de marginalisation internationale du Brésil et de sa pourtant si séduisante culture ?

  Il faut bien admettre, tout d’abord, que ces sujets ne sont pas au cœur des préoccupations d’une part presque ( ?) majoritaire de la population, réellement séduite par les propos sans nuances sur la sécurité et l’autodéfense, sur les valeurs moralement conservatrices, sur les références à Dieu, à l’ordre naturel et par le discours nationaliste sur le caractère brésilien de l’Amazonie, pris à contrepied par le discours environnemental et moralisateur des Occidentaux accusés de vouloir en outre entraver le développement économique du pays.

Habileté stratégique et manipulation sans scrupules

  Il faut aussi y voir la révolution dans le débat politique à l'échelle mondiale, incarnée sinon introduite par la méthode trumpiste, qui a précarisé tous les émetteurs d’une parole de référence, médias, institutions ou personnalités indépendantes, et rendu la vérité objective insaisissable. Le résultat de cette forme de populisme qui remplace les corps intermédiaires par des relais tels que les Églises évangéliques ou des lobbies (le fameux « BBB » brésilien : lobby "bœuf, balle, bible", soit l’agrobusiness, l’armée et les détenteurs d’armes à feu et les Églises qui prospèrent) et qui s’appuie massivement sur les réseaux sociaux, offre une quasi-totale impunité aux discours mensongers, calomniateurs et outranciers. Sans possibilité de leur opposer une juste réponse. C’est ainsi que les opinions contraires trouvant de moins en moins de terrains de confrontation neutres et sereins, le débat démocratique se révèle presque impossible et la société de plus en plus profondément fracturée entre des groupes qui ne se parlent plus.

  L’habileté politique de Bolsonaro, celle de ses stratèges comme ses intuitions, ont fait le reste : comment par exemple admettre qu’arborer le drapeau brésilien soit devenu synonyme de soutien au président sortant, et que, pour la même raison, les supporters de Lula n’osent plus porter le maillot de la seleçao de foot ? Ou comment détourner à son profit les symboles les plus emblématiques du pays…

Lula, ultime rempart

  Pour autant, tout espoir est-il vain ? La victoire de Lula lors du second tour de l’élection le 30 octobre 2022, dont on peut espérer qu’elle ramènerait un peu de modération dans le débat public, est toujours possible, et même probable. Le « présidentialisme de coalition » brésilien, qui voit toujours l'exécutif trouver des compromis avec un Parlement morcelé et dominé par un centrao toujours prêt à se tourner vers le pouvoir (et ses avantages) pourrait produire un nouveau miracle majoritaire.

  Les quatre prochaines années seront forcément difficiles, les défis étant nombreux. Mais les pentes fatales pour l’environnement, les minorités, les pauvres et globalement tous les plus fragiles pourraient être enrayées.

  Il sera bien temps, après le second tour, de se pencher sur le vertige de l'après-Lula.

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4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 12:45

Les guerres napoléoniennes en Europe ayant poussé le roi du Portugal et sa cour à la fuite vers le Brésil, celui-ci cesse dès 1808 d’être une colonie pour devenir le centre de l’Empire portugais, avec Rio pour capitale et Jean VI comme monarque.

La période troublée qui entoure le retour du roi à Lisbonne en 1821 et les velléités de rétablissement d’un contrôle colonial, depuis l’Europe, sur le vaste territoire brésilien et ses richesses, se heurtent à l’oligarchie locale et à la volonté du propre fils de Jean VI. Celui-ci proclame l’indépendance du Brésil le 7 septembre 1822 et devient l’empereur Dom Pedro Ier du Brésil. Le pays connaît ainsi un destin bien différent de celui des colonies espagnoles voisines où les élites locales ont conquis de haute lutte leur indépendance contre le royaume colonisateur.

C’est la proclamation de Dom Pedro Ier dont le Brésil célèbre le bicentenaire : au terme d’une histoire qui n’a pas connu de conflit extérieur majeur et qui a permis à l’unité nationale de cet Etat fédéral de se construire malgré son immensité et sa diversité, à l’abri de frontière naturelles bien définies et grâce à une langue qui le distingue de tous ses voisins latinos.

Au carrefour de nombreux défis intérieurs…

212 millions d’habitants, 8,5 millions de km2 : le géant latino, devenu République en 1889 après que l’esclavage a été aboli en 1888, est confronté à de nombreux défis :

  • intérieurs et institutionnels d’abord à l’approche d’une élection présidentielle de tous les dangers, les 2 et 30 octobre 2022, entre menace ouverte que fait peser le président Bolsonaro sur le respect du scrutin si le résultat lui est défavorable, et besoin de resserrer un tissu social certes très divers mais bien loin d’être inclusif, où toutes les minorités sont fragilisées.
  • économiques et sociaux dans ce pays champion de la violence et des inégalités qui est aussi le cœur de l’économie du sous-continent.
  • sur le plan de la culture et des valeurs encore, avec un soft power au potentiel immense mais qui n’ose plus s’exprimer, tant l’image du pays, en grande partie à cause de ses dirigeants dans la période récente, s’est dégradée. Le Brésil doit nous rassurer sur ses valeurs et sur son choix d’un modèle politique tolérant et ouvert, fidèle à son appartenance au monde occidental.

… et d’enjeux planétaires

Le Brésil est au centre de nombreux enjeux qui le dépassent mais sur lesquels son influence sera décisive :

  • enjeu environnemental et réchauffement climatique, à l’heure où une bien triste politique d’Etat conduit à la destruction accélérée de la forêt amazonienne, puits de carbone.
  • enjeu énergétique et des matières premières, pour ce leader agricole mondial au fort potentiel et au sous-sol riche en métaux rares que la transition énergétique rend d’autant plus précieux.
  • enjeu géopolitique enfin, entre Bolsonaro, qui a marginalisé le Brésil dans le concert des nations, et son concurrent Lula dont l’ambition Sud-Sud affichée n’éclaire pas la position que pourra adopter le pays face à la Russie ou la Chine, son premier client.

La France et l’Europe doivent se méfier des jugements hâtifs sur ce partenaire qui possède une influence certaine sur ses voisins. Quel que soit l’avenir politique du Brésil, nous devrons développer nos liens et notre connaissance mutuelle, être attentifs et à la bonne distance des agendas des pouvoirs publics et de la société civile, présents, respectueux et sans naïveté.

Un défi qu’il nous reviendra à notre tour de relever pour renforcer une relation qui nous est de plus en plus nécessaire devant les propres enjeux de notre continent.

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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 07:21

A quoi ressembleront les prochaines années du Brésil sous la présidence de Jair Bolsonaro, vainqueur du second tour de l'élection présidentielle du 28 octobre, avec 55,13 % des voix face à Fernando Haddad (Parti des Travailleurs) ?

Le signe des échecs et du rejet

La large victoire de Jair Bolsonaro est le signe du rejet d'un système politique partisan discrédité par sa corruption massive et son inefficacité. Cet échec, c'est celui de toute une génération politique, celle de Lula, partisans et adversaires confondus, qui n'a pas su tenir ses promesses. Avec, circonstance aggravante pour le leader historique du Parti des Travailleurs, un entêtement coupable à maintenir aussi longtemps que possible une candidature impossible, depuis la cellule de sa prison.

Cet échec, c'est celui d'une politique économique construite sur la dépense publique, c'est-à-dire la dette publique, au profit des catégories sociales les plus défavorisées dont la condition matérielle s'est certes améliorée grâce aux transferts sociaux massifs, mais sans perspectives de réelle évolution économique et sociale. C'est l'échec de la transformation du modèle productif vers plus d'efficacité et l'échec des politiques éducatives qui a conduit le piège de l'assistanat à se refermer sur les plus modestes, tout en exaspérant les plus productifs.

Cet échec, c'est enfin celui de l'Etat régalien et d'une politique sécuritaire totalement défaillante, incapable de contenir les épanchements d'une société intrinsèquement violente : violence de la grande criminalité des gangs et des trafiquants, mais aussi celle des forces de l'ordre plus ou moins corrompues et celle des rapports sociaux. Le Brésil reste, au-delà des clichés sur la légèreté, la joie de vivre, le métissage, largement raciste, sexiste, homophobe.

Le signe d'une réelle adhésion

La victoire de Jair Bolsonaro est aussi celle d'une adhésion massive à un discours aussi vague qu'imprécis, qui a porté le glaive dans toutes les plaies : sur le plan de l'économie, il lui a suffi de prendre le contre-pied des politiques actuelles en mettant en avant son conseiller économique Paulo Guedes connu pour ses convictions libérales (privatisations, retrait de l'Etat, retour à l'équilibre des finances publiques, création d'un système de retraite par capitalisation : on n'en sait guère plus sur le projet). Sur le plan de la sécurité, il lui a suffi de promettre l'immunité aux forces de l'ordre, la libéralisation du port d'armes - malgré les désastres avérés de cette pratique aux Etats-Unis par exemple - et d'envoyer des signaux explicites et scandaleux, racistes, sexistes, homophobes ou encore nostalgiques de la dictature militaire et de ses tortures.

Jair Bolsonaro est ainsi devenu le héraut du triple lobby qui domine la vie politique brésilienne, le fameux BBB ("Biblia, Balas, Buey", soit "Bible, Balles, Boeuf"), celui de l'agro-business, celui des armes, et celui des religieux évangéliques. Il est donc devenu le candidat du business, de l'ordre, de la famille et des valeurs, en un mot, "du bien contre le mal". Ajoutez à cela un coup de couteau qui a failli lui ôter la vie, mais qui lui a aussi permis d'esquiver tout débat et de démentir, preuve à l'appui, que la violence viendrait de lui.

Quels contre-pouvoirs ?

Dans un monde politique brésilien morcelé, Jair Bolsonaro, lui-même issu d'un petit parti, devrait parvenir à rallier au Congrès le marais parlementaire qui fait les majorités. La promesse de participer au partage du pouvoir - et de ses avantages - devrait suffire à lui assurer bien des soutiens dans un contexte où les nombreux partis conservateurs et ceux liés au lobby BBB occupent une place prépondérante.

La grande presse, qui appartient aux milieux d'affaires et qui a participé au discrédit de ses adversaires en le faisant apparaître comme un recours dans un univers de compromissions et de corruption, semble pour l'instant séduite par son programme libéral porté par Paulo Guedes.

L'opinion internationale sera quant à elle partagée ; il recevra peu de soutiens des nations les plus démocratiques, soucieuses des droits des minorités et de la correction du débat public. Mais il recevra certainement sans réserves celui des Etats-Unis de Donald Trump et des régimes autoritaires soucieux de commercer avec le Brésil.

Seule la Justice, dans un pays où le nombre et l'opacité des procédures n'a pas d'équivalent, pourrait entraver sa marche, telle instance protégeant la constitution ignorée, telle autre les libertés publiques bafouées... avec le risque d'une politisation croissante des jugements, tendance déjà clairement à l'oeuvre.

On le voit, malgré la stupéfaction provoquée par l'arrivée au pouvoir d'un dirigeant classé à l'extrême droite au Brésil, Jair Bolsonaro disposera d'atouts et de soutiens non négligeables pour atteindre ses objectifs. Avec toujours, dans un contexte de nostalgie affichée de la période de dictature militaire (1964-1985) et de forte présence de militaires dans son entourage (à commencer par son vice-président, l'ancien général Hamilton Mourao, Jair Bolsonaro étant lui-même un ancien capitaine de l'armée de l'air) cette sourde menace, en cas de difficultés, d'une intervention de l'armée et d'une confiscation du pouvoir par les hommes en uniforme...

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 09:53

DirigeantsBRICLa moitié. En terme d'étendue géographique, de population comme de PIB, le Brésil représente la moitié de l'Amérique du Sud. Il est frontalier avec tous les pays du sous-continent, sauf l'Equateur et le Chili. Le Brésil est politiquement stable, économiquement prospère, à la pointe dans nombre d'industries, dont l'aéronautique, et il bénéficie de richesses humaines et naturelles exceptionnelles.

Une ambition globale

Le Brésil est incontournable en Amérique latine, et il compte à l'échelle du monde. Il est un exportateur collossal de denrées agricoles et de matières premières, notamment vers la Chine, son premier partenaire commercial, et il est considéré comme une grande puissance émergente : il est le B des BRIC, aux côtés de la Russie de l'Inde et de la Chine (cf. photo : de gauche à droite, le Premier ministre indien Manmohan Singh, le Président russe Dimitri Medvedev, le Président chinois Hu Jintao et Lula). N'est-il pas devenu la 6e économie mondiale à la fin 2011, avec en ligne de mire la 4e place à l'horizon 2020 ? Le Brésil a aussi certaines faiblesses internes mais, sous l'impulsion de Lula, et désormais avec Dilma Roussef, il nourrit de légitimes ambitions globales dans un monde multipolaire : il aspire à assumer certaines responsabilités politiques, c'est-à-dire en matière de maintien de la paix et de protection des droits de l'Homme, qui sont l'apanage des Grands.

Une stratégie Sud-Sud

De même que le Mexique et l'Argentine, le Brésil a intégré le G20 dès sa création au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement en 2008. Il est candidat - tout comme l'Allemagne, l'Inde ou le Japon - a un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Il participe activement au maintien de la paix dans le monde : il a montré sa capacité en la matière à la tête de la Minustah, la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti. Intégrant les évolutions des équilibres géopolitiques mondiaux, le Brésil a misé sur le Sud : en inventant des sommets arabo-sud-américains, en instituant un dialogue à trois avec l'Inde et l'Afrique du Sud, en multipliant les rapprochements avec la Chine.

Des craintes dans son "pré carré"

Mais pour que la voix du Brésil porte autant que Lula et Dilma Roussef le souhaiteraient, le pays doit aussi se présenter comme le porte-parole d'une région unifiée. D'où son refus du Traîté de libre commerce des Amériques, imaginé par les Etats-Unis, et ses efforts permanents pour rapprocher, en matière commerciale, la Communauté andine des Nations et le Mercosur dont il est membre. D'où la création de l'UNASUR, union de la totalité des nations sud-américaines, supposée doter le sous-continent d'une véritable structure politique. D'où aussi, la méfiance qu'il suscite auprès de ses voisins, qui craignent d'être entraînés dans une dépendance économique et politique à son seul profit. D'où, enfin, l'échec jusqu'à ce jour de toutes les tentatives d'institutionnalisation de la coopération régionale et la multiplication de structures comme autant de coquilles vides.

Des positions difficiles à admettre

Les ambitions du Brésil et sa stratégie Sud-Sud peuvent aussi l'amener sur des positions difficiles à admettre par les vieilles démocraties occidentales : ainsi de sa proximité avec l'Iran d'Ahmadinejad ou de la trop longue compréhension manifestée auprès de la Libye de Kadhafi. Si l'on peut comprendre l'ambition du Brésil et son envie de renverser la table face à de vieilles puissances peu désireuses de changement, cet empressement devient de la précipitation quand il conduit au soutien de régimes non démocratiques. A moins qu'il ne faille y voir une concession au turbulent voisin, le provocateur Hugo Chavez ?

Quoi qu'il en soit, si le Brésil grimpe dans le classement des nations les plus influentes - et l'attribution de l'organisation de la Coupe du Monde de football 2014 et les JO 2016 en sont le signe -, s'il aura certainement un jour sa place aux premiers rangs, il doit mesurer le chemin qui lui reste à parcourir dans une communauté internationale certes en évolution, mais qui n'est pas prête à renier certaines valeurs qui la fondent : la paix et la sécurité, mais aussi la démocratie et les droits de l'homme, qui en sont les conditions. Il n'est ainsi plus question aujourd'hui pour les pays occidentaux d'admettre le Brésil parmi les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.

Retrouvez l'actu brésilienne sur le site du journal O Globo.

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