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Simon Bolivar
La conscience
de l'Amérique

Editions Toute Latitude
192 pp. - 17,80 €
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Les lettres et discours politiques essentiels du Libertador : la porte d'entrée désormais classique dans l'univers de Simon Bolivar et dans la pensée politique contemporaine en Amérique latine. Traduit et présenté par Laurent Tranier.

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Le blog de l'actu de l'Amérique latine, en partenariat avec :
.Les Editions Toute Latitude

11 mai 2019 6 11 /05 /mai /2019 22:04

Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), le nouveau Président des Etats-Unis du Mexique en fonction depuis le 1er décembre 2018 semble vivre son engagement politique comme un sacerdoce. Depuis un quart de siècle, il y consacre toute son énergie, toutes ses ressources, dans une position naguère de gauche plutôt radicale, aujourd'hui de populisme "attrape tout" au sein du mouvement qu'il a cofondé, Morena. On ne lui connaît pas d'autre activité économique - sinon la publication de nombreux livres - et son train de vie s'avère plutôt modeste, cohérent avec un patrimoine personnel de 446 068 pesos (20 519 Euros) ainsi qu'il résulte de sa déclaration de patrimoine rendue publique au début de son mandat. Son épouse Beatriz Gutierrez Müller, professeure d'université, a déclaré pour sa part un patrimoine d'une valeur de 8 093 637 pesos (372 307 euros), incluant l'appartement de Mexico dans lequel ils vivent.

Un Président honnête ?

Cette modestie affichée, et semble-t-il réelle, signifie-t-elle qu'AMLO serait un Président honnête, qu'en tout cas il échapperait à la corruption massive institutionnalisée depuis longtemps par les cartels de narcotrafiquants ? Et bien peut-être bien !

Au sommet d'institutions corrompues...

Le problème est qu'AMLO se trouve à la tête d'un Etat dont la quasi-totalité des structures politiques et administratives, des organes de sécurité intérieure, de la Justice mais aussi de l'armée à différents niveaux ont été ou sont encore confrontés à une corruption systématique par le narcotrafic. Ce schéma, pour ne pas dire cette culture, troquant paix civile relative contre trafic en toute impunité pour le plus grand profit de tous, découle de la collusion entre le Parti de la Révolution Institutionnelle (PRI, au pouvoir de 1928 à 2000 puis de 2012 à 2018) et les différents cartels qui ont développé le narcotrafic depuis les années 1960. Elle existe au niveau central, comme au niveau des Etats fédérés et au niveau local. Le Parti Action Nationale, au pouvoir de 2000 à 2012 avec Vicente Fox puis Felipe Calderon n'a pas su changer cette situation. La déclaration de guerre de ce dernier, décidant de militariser la lutte contre les cartels en s'appuyant en 2006 sur la prestigieuse Infanterie de Marine, a certes permis l'élimination des chefs des cartels de Tijuana, de Juarez ou des Zetas. Mais le résultat en a été une explosion des violences, guerres de pouvoirs internes aux cartels décapités, guerres de conquêtes de nouveaux territoires pour le cartel de Sinaloa, le cartel Jalisco Nueva Generation ou les sept autres organisations criminelles recensées aujourd'hui sur près des deux tiers du territoire mexicain. Sans compter les exactions reprochées aux militaires et leurs méthodes expéditives. Le bilan est supérieur à 200 000 morts et environ 40 000 disparus entre 2006 et 2018 avec un pic à 28 866 homicides en 2017 et un record à 33 341 en 2018. Pour un 135e rang sur 180 pays dans le classement de la corruption proposé par Transparency International en 2018...

Alors que faire ?

La campagne présidentielle qui a abouti à la large victoire d'AMLO avec 53% des voix le 1er juillet 2018 face à 4 adversaires n'a pas permis d'éclairer l'électeur mexicain sur les solutions qui seraient réellement mises en oeuvre pour tenir la promesse unanime de lutter contre le crime et la corruption. AMLO avait ouvert plusieurs portes : celle de la légalisation encadrée de la production, la vente et la consommation du cannabis sur le territoire national ; celle de l'amnistie pour les petits trafiquants, celle du développement économique pour offrir de vraies perspectives aux jeunes, celle enfin du retour des militaires dans les casernes. Des propositions intéressantes, notamment, pour la première, si l'on se réfère aux expériences récentes et réussies de l'Uruguay et de plusieurs Etats des Etats-Unis d'Amérique. Mais rien qui soit de nature à mettre un terme à la violence entre des cartels qui se disputent les routes de la cocaïne, entre autres drogues, ainsi que le trafic de migrants vers l'immense marché du Nord du continent.

Renoncer à la militarisation : oui, mais...

L'Etat du Michoacan a été le théâtre en 2012-2013 d'une expérience étonnante de résistance populaire aux violences liées au narcotrafic : les Groupes d'autodéfense communautaires, composés d'habitants des villages, supposés honnêtes travailleurs, se sont emparés d'armes (semble-t-il prises au cartel des Chevaliers templiers qui était là le principal responsable des exactions). Organisés sous l'autorité charismatique du Docteur Jose Manuel Mireles Valverde, ils sont partis à la reconquête du territoire, municipalité après municipalité, débusquant puis chassant les narcos. Les assassinant aussi s'il le fallait. Et cela a fonctionné, le Gouvernement s'avérant aussi impuissant à réduire les narcotrafiquants que le peuple en armes. Puis cela a dégénéré car aux honnêtes travailleurs sont venus se greffer d'honnêtes bandits, avant que le Gouvernement ne se ressaisisse et n'impose la transformation de ces Groupes en une Force Rurale de Défense officielle... et très vite contrôlée par des narcos. Justice est rendue à cette aventure dans l'excellent documentaire Cartel Land de Matthew Heineman (2015) filmé au coeur de la violence et nominé aux Oscars dans sa catégorie.

Une Garde nationale, le peuple en armes contre les narcos

Dans un contexte de corruption généralisée et de "grave décomposition des corps de police" ainsi que l'a constaté AMLO lui-même, la seule solution semble être auprès de militaires, supposés plus éloignés des tentations et moins sensibles aux dérives que les civils. L'idéal étant de construire une force nouvelle, à partir de personnels nouveaux, bien rémunérés, rapidement formés et solidement encadrés sur les plans idéologique et moral. C'est la solution retenue par AMLO, qui a annoncé en décembre 2018 la création d'un corps inédit, une Garde nationale, composée de militaires et de policiers fédéraux triés sur le volet ainsi que de 50 000 recrues âgées de 18 à 30 ans. Les fonctions de police seront ainsi officiellement placées sous contrôle militaire. Certains y voient un revirement par rapport à la sensibilité exprimée pendant la campagne présidentielle. Mais si le "tout sécuritaire" est sans issue, son absence est également impensable. L'exercice du pouvoir suppose de trouver un équilibre avec l'approche sociale. Une tache immense attend cette Garde nationale, nouvelle figure du peuple en armes contre les narcos.

                                      Laurent Tranier

                                      Directeur de la Rédaction - www.latinomag.fr

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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 10:59

ESKA-ProblèmesAmériqueLatine89Le 89e numéro de la revue Problèmes d'Amérique latine intitulé "Mexique 2000-2012, limites et impasses de la transition démocratique", se penche sur les difficultés de ce géant latino à intégrer tous les secteurs de la société dans des processus démocratiques efficients. Si les universitaires, les émigrés, les nombreux mouvements sociaux trouvent des voies d'influence plus ou moins satisfaisantes, il est un domaine sur lequel se brisent toutes les volontés : celui de la violence, abordée par Salvador Maldonado Aranda dans un article intitulé "Violence d'Etat et ordre criminel, les coûts de la guerre perdue du Michoacan" qui propose un nouveau regard sur le phénomène.

Pour l'auteur, l'analyse selon laquelle la violence serait le résultat de l'échec des politiques publiques conduites contre la criminalité n'est pas satisfaisante : si on descend à un niveau plus fin d'analyse politique et socio-historique, on se rend compte que les trafics en tous genres, notamment le narcotrafic, et la violence qui en découle sont un invariant historique devenu trait culturel dans bien des régions du Mexique. C'est en particulier le cas dans l'Etat du Michoacan, théâtre d'une violence spectaculaire dans la durée et objet de son étude. Ainsi la violence ne serait pas l'adversaire des pouvoirs publics régionaux ou d'Etat mais le contexte voire la condition même du maintien des structures de pouvoir publiques, qui "organiseraient" cette violence pour se perpétuer.

Une guerre-spectacle sans issue

La guerre contre le narcotrafic décrétée au sommet de l'Etat deviendrait donc celle d'un Etat en lutte contre une partie de lui-même. Outre qu'elle se révèlerait particulièrement ambigüe car sélective, cette lutte se trouverait nécessairement vouée à l'échec, semant le désordre là où des cartels prétendent faire régner un ordre, à l'exemple de la Familia du Michoacan, qui essaye de se faire passer pour une organisation protectrice de la société... contre un Etat corrompu et allié à d'autres cartels. Ce qui n'est qu'à moitié faux, une analyse largement partagée du développement ou du recul de certains cartels dans les années 1990 ou 2000 étant la préférence donnée par l'Etat, à travers certaines de ses branches sécuritaires corrompues, à tel ou tel groupe (le film Traffic de Steven Soderbergh (2000) présente assez finement ce phénomène). La spectaculaire guerre militaire   contre le narcotrafic lancée par le précédent président Vicente Calderon a ainsi simplement abouti au désordre, à l'exaspération de la violence, à une perte totale de confiance de la part des citoyens confrontés à la double terreur aveugle et impunie des cartels et de l'Etat. Avec pour corollaire une recomposition permanente du paysage mouvant de cartels régulièrement décapités mais toujours renaissants.

La doctrine de l'actuel président Enrique Pena Nieto ne doit pas se limiter à un retour à une relative paix civile, masque d'une criminalité florissante ponctuée de spectaculaires arrestations pour donner le change. La marque d'un narco-Etat.

A lire, le numéro 89 (janvier 2014) de la revue Problèmes d'Amérique latine - Mexique 2002-2012, limites et impasses de la transition démocratique.

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 08:13

PenaNieto-Mexique.jpgLe résultat de l'élection présidentielle mexicaine a été officiellement proclamé le 31 août 2012 par le Tribunal Suprême Electoral : Enrique Pena Nieto (PRI) a été élu avec 19,1 million de voix (38,2 %), devançant Andres Manuel Lopez Obrador (PRD, coalition de gauche) qui en a obtenu 15,8 millions (31,6 %) et Josefina Vazquez Mota (PAN) avec 12,7 millions (25,4 %).

Fraude ou pas fraude ?

La fraude électorale a été érigée au rang d'une science par le Parti Révolutionnaire Institutionnel - auquel appartient Enrique Pena Nieto - tout au long du XXe siècle. L'ensemble des techniques d'achat de voix, d'"erreurs" de calcul ou d'influence des électeurs ont été probablement employées lors de ce scrutin comme lors des précédents. Ce qui n'avait pas empêché l'alernance de 2000 (victoire du PAN sur le PRI, confirmée en 2006, avec un écart infime entre le vainqueur du PAN et son challenger Andres Manuel Lopez Obrador... ouvrant sur une interminable contestation des résultats). Clairement, l'écart que révèle le décompte final en 2012 ne permet pas de douter, Enrique Pena Nieto a remporté l'élection et sa victoire est légitime d'un point de vue démocratique : il est le nouveau Président de la République des Etats-Unis du Mexique pour la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2018.

L'ascension d'Enrique Pena Nieto

Enrique Pena Nieto a été élu Président de la République à 46 ans. Il est né à Atlamulco, dans l'Etat de Mexico, diplômé de Droit et de management, marié en secondes noces avec l'actrice Angelica Rivera. Après un bref passage dans le privé, il a fait toute sa carrière au sein du PRI et dans l'administration. Son ascension est constante : en 2003 il devient député au Congrés de Mexico et, en 2005, il est élu gouverneur de l'Etat de Mexico : son mandat est marqué par sa volonté de tenir des engagements scellés devant notaire... Sa jeunesse et son dynamisme, son action en matière de transports, de santé, d'éducation, d'environnement, son entente pragmatique avec Marcelo Ebrard (PRD), le Maire de Mexico, font de lui le gouverneur le plus populaire du pays et la première chance du PRI pour cette élection présidentielle. Seul en lice, il est désigné candidat le 17 décembre 2011.

Avec quel programme et face à quels défis ?

Le Mexique de 2012 n'est pas celui des années 1990 : il est à la fois plus ouvert et plus... violent. Le bilan sécuritaire du Président Calderon, avec la tentative de militariser la lutte contre les cartels de la drogue n'est pas bon : 60 000 à 100 000 homicides en 6 ans suivant les décomptes. Et le chiffre n'est pas en baisse. Le défi est colossal, Pena Nieto y est immédiatement confronté, il en est conscient, mais les solutions ne sont pas évidentes : il souhaite porter les effectifs de la police fédérale de 36 000 à 50 000 agents, créer une gendarmerie nationale de 40 000 agents sous statut civil, unifier et spécialiser les polices des Etats fédérés... L'objectif est clairement l'amélioration du travail policier en passant par une certaine centralisation de la lutte anticriminalité.

La pauvreté est l'autre grand défi du Mexique, pays de larges inégalités qui sera pourtant en 2012 l'un des champions de la croissance économique, avec un taux 4 %. Cela donne des marges de manoeuvre et c'est un des succès du Président sortant Felipe Calderon que d'avoir su maintenir la confiance des investisseur, en majorité venus des Etats-Unis, dans l'économie du pays. Le projet de Pena Nieto est largement orienté vers l'économie, avec une réforme du secteur pétrolier qui sera ouvert au privé, un assouplissement des contraintes réglementaires sur les entreprises et une réforme fiscale à leur profit : l'objectif est la sortie de la pauvreté par la création d'emplois. Enfin, il souhaite une réforme politique et administrative pour augmenter l'efficacité et la transparence des institutions.

Un programme ambitieux porté par un style nouveau et une nouvelle génération. Qui cependant ne pourra pas s'appuyer sur une majorité au Congrès et qui devra donc convaincre, pour être mis en oeuvre, au-delà de sa famille politique...

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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 09:17

FelipeCalderonG20.jpgLa tradition diplomatique mexicaine est faite de discrétion, à l'ombre de son imposant voisin. Il n'empêche, dans la 2e moitié du XXe siècle, le Mexique a pointé au rang des pays du "Tiers Monde" avant d'intégrer dans les années 1990, à la fois l'OCDE, organisation des pays développés (aujourd'hui au nombre de 34) et l'ALENA, l'Accord de libre-échange Nord-américain, avec les Etats-Unis et le Canada.

Cette évolution a simultanément accru l'intégration économique nord-américaine et fait basculer le Mexique dans le camp des puissances moyennes, jusqu'à intégrer le G20 et être présent en 2008 lors de la première réunion de ce club au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Alors le Mexique, à la fois doté d'immenses ressources pétrolières, agricoles, culturelles, humaines, mais aussi pays d'émigration massive gangrené par la corruption et le narcotrafic est-il devenu un Grand de ce monde ?

La présidence 2012 du G20

L'examen de l'agenda 2012 du G20, qui sera présidé par le Mexique, peut apporter quelques éléments de réponse. S'il s'agit là d'une forme de reconnaissance, il est certain en tout cas que le pays joue gros, en terme de crédibilité internationale. Sa capacité à organiser dans la sérénité le sommet prévu les 18 et 19 juin 2012 à Los Cabos, en Basse-Californie, n'est pas en cause. Le Mexique saura se donner les moyens sécuritaires de réussir cette rencontre.

Le Président Felipe Calderon a placé 5 points à l'ordre du jour de sa présidence : le retour à la stabilité économique et la relance de la croissance ; la lutte contre le protectionnisme et la relance du commerce mondial ; la régulation financière et la lutte contre les paradis fiscaux ; la sécurité alimentaire à travers notamment une régulation des prix des matières premières agricoles ; le changement climatique et la croissance verte.

Ce catalogue prolonge logiquement certains objectifs de la présidence française de 2011, qui a permis des avancées dans la lutte contre les paradis fiscaux, la régulation des prix des matières premières, la crise des dettes publiques et la relance économique mondiale.

Lutte contre les paradis fiscaux et contre la corruption

Toutes ces questions ne seront pas résolues en quelques mois. Il s'agit simplement que le Mexique contribue à ce que la marche en avant se poursuive. A priori, il sera difficile d'obtenir des progrès sur la Taxe sur les transactions financières, défendue par la France et l'Allemagne mais à laquelle s'opposent les pays Anglo-saxons, qui accueillent les principaux centres financiers mondiaux. De même, les Etats-Unis ou le Brésil, se montrent réticents à une régulation des cours des produits agricoles.

Des progrès pourraient être obtenus en matière de lutte contre les paradis fiscaux, qui passent par l'automatisation des échanges internationaux de données fiscales ou la lutte contre la corruption. Le Mexique, qui ne s'y confronte pas directement, semble également mieux placé que d'autres pour obtenir de la Chine qu'elle s'implique dans la gouvernance mondiale à hauteur de son nouveau poids économique et géopolitique. Mais la grande question de cette présidence sera, en étroite coopération avec le FMI et les Banques centrales, celle de la sortie de la crise de la dette et du retour à une croissance économique durable.

Contexte difficile et... bonne surprise ?

Le contexte est difficile : la conjoncture économique mondiale n'est pas favorable, les relations avec la France, qui a précédé le Mexique à la présidence du G20 sont dégradées en raison de l'affaire Cassez. Le pays est en outre confronté à d'importants défis internes, et n'est pas à l'abri de troubles créés par les groupes altermondialistes. 2012, enfin, est une année électorale : le successeur de Felipe Calderon à la présidence de la République sera désigné le 1er juillet... Ainsi, si l'opportunité, pour le Mexique, d'accueillir le G20 ne pouvait se refuser, le contexte national et international n'est pas forcément favorable. Si surprise il y avait, elle pourrait donc bien être agréable...

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 08:16

Anonymous.jpgQui est... Anonymous ? D'après Wikipedia, c'est un réseau de communautés d'Internautes activistes, autrement dit de pirates ou de hackers, agissant de manière anonyme dans le but de défendre le droit à la liberté d'expression sur Internet et en dehors. Leur nom est plutôt un label signant des actions informatiques et physiques entreprises par des personnes masquées. Leurs actions, parfois controversées, ont pris pour cible la Scientologie, les dictatures arabes, mais aussi l'OTAN et... le cartel de narcotrafiquants mexicain des Zetas.

Anonymous déclenche l'Opération Cartel

Il semble en effet que l'un des membres mexicains des Anonymous ait été enlevé dans la ville de Veracruz, ce qui aurait conduit cette communauté à déclencher l'Opération Cartel. Le 3 novembre 2011, les Anonymous ont confirmé sa libération, à la suite de la publication sur YouTube d'une vidéo (voir ci-dessous) dans laquelle ils menaçaient de dénoncer les "policiers, journalistes et chauffeurs de taxis" liés aux Zetas ainsi que des "informations sensibles" sur leurs liens avec le gouvernement.

Les Anonymous auraient donc fait plier la plus violente organisation criminelle du pays qui n'hésite pas à assassiner journalistes, blogueurs et tous ceux qui entravent ses intérêts ? Les Anonymous ont finalement renoncé à livrer les noms promis, par crainte de représailles.

Perplexité

Le visage du crime organisé au Mexique est mouvant et le nouveau rapport de force qui semble créé par une communauté d'Internautes laisse perplexe. Tout d'abord, que fait la police ? Les autorités mexicaines ont déclaré qu'elles n'étaient pas en mesure de confirmer l’origine de la vidéo, ni la véracité de ses affirmations. Nous n'en attendions hélas guère davantage. L'Etat mexicain est déliquescent, l'implication de l'armée dans la lutte contre les cartels est un échec : le nombre de victimes de cette quasi guerre civile est estimé à 43000 morts depuis 2006.

Pour autant, un groupe d'Internautes anonymes et isolés, sans autres moyens que ses connaissances informatiques serait capable de mettre en échec un cartel ? Et le gouvernement mexicain, la DEA aux Etats-Unis, les organisations internationales de lutte contre la criminalité en seraient incapables ? Nous connaissons aussi les moyens colossaux, pour ne pas dire illimités, dont disposent les cartels. Est-il concevable qu'ils soient absents de ce terrain, celui de la cybercriminalité, au point de se trouver à la merci des Anonymous ? Ou l'épisode récent a-t-il mis en évidence une faille dans leur dispositif, qu'ils sont probablement déjà en train de combler, au point, demain, d'échapper à toute crainte et de faire peser un nouveau type de menace sur les Etats et les populations ? Et si les Anonymous ont pu recueillir des informations permettant de lutter contre la criminalité, ont ils le droit de les taire ? A moins que tout cela ne soit qu'une gigantesque manipulation entre narcotrafiquants ?

Les autorités mexicaines ont déclaré qu'elles n'étaient hélas vraiment pas en mesure de répondre à toutes ces questions.

Dans cette vidéo datée du 6 octobre 2011, un homme se présentant comme le représentant des Anonymous demande aux Zetas la libération de l'un des siens tout en les menaçant de dénonciations.  

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 09:22

CarteMexique.jpgLe Mexique est devenu le tragique terrain de jeu des cartels de la drogue qui se disputent les voies de transit et l'accès à l'immense marché des Etats-Unis. Depuis plusieurs années, l'Etat central mexicain a mobilisé l'armée près des frontières, avec pour principal résultat d'ajouter la violence à la violence et la confusion à la confusion.

La guerre est déclarée

La guerre est déclarée, de l'Etat contre les narcos, avec les résultats que l'on sait. La guerre est surtout déclarée des cartels entre eux. Dans le coeur de la cible, les Zetas : issus d'unités d'élites de l'armée démobilisées, ils se sont placés au service du Cartel du Golfe dans les années 1990 avant de se mettre à leur compte en 2010, dans l'Etat de Veracruz. En conservant les mêmes méthodes : pendaisons, décapitations, attentats, d'une violence et d'une horreur sans limite. Il s'agit de frapper l'adversaire à mort, il s'agit aussi de frapper les esprits : du pur terrorisme. L'adversaire, ce n'est plus tant les autorités, démissionnaires, corrompues ou physiquement éliminées. L'adversaire, c'est le concurrent, qui a pour nom cartel du Golfe, de Sinaloa, de Jalisco, etc.

Mata-Zetas contre Zetas

Opportunisme ou menace sur le business que ferait peser l'excès d'excès de violence ? Un nouveau groupe se faisant appeler "Cartel de Jalisco Nouvelle Génération" a décidé... d'en finir avec les Zetas. Car si "le narcotrafic ne s'arrêtera pas", ils entendent lui faire prendre "un tournant vers la paix et la tranquillité pour le futur des enfants". Etrange profession de foi en la paix civile, manifestée à travers des vidéos montrant plusieurs dizaines d'hommes cagoulés en armes, postées sur YouTube. Le "Cartel de Jalisco Nouvelle Génération" dénonce la corruption de la police, soutient les efforts du gouverneur de Veracruz Javier Duarte et encourage les citoyens à la lutte et à la délation contre ces Zetas qui "rackettent, violent, tuent et ne respectent rien". Et, revendiquant un certain nombre d'assassinats de Zetas, ils promettent d'en finir à leur façon avec tous ceux qu'ils captureront.

Le gouvernement impuissant

Le gouvernement central observe tout cela, invoque la Justice, seule autorisée à juger et à punir, mais n'y peut rien. Une situation qui confirme que le business, y compris le narcotrafic, a besoin d'ordre pour s'épanouir. Une évolution qui aurait le mérite de réduire le nombre de victimes innocentes, et l'inconvénient d'installer au milieu de citoyens résignés un authentique narco-Etat.

Dans une vidéo datée du 27 juillet 2011, le "Cartel de Jalisco Nouvelle Génération" revendique l'assassinat de Zetas et promet de continuer dans cette voie au nom de "la paix et la tranquillité" : 

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 07:37

FlorenceCassez.jpg

Le 8 décembre 2005, Florence Cassez, française installée à Mexico, est arrêtée en même temps que son compagnon, Israël Vallarta, gangster spécialisé dans les enlèvements suivis d'une demande de rançon : l'un des fléaux qui frappent alors le Mexique...

C'est une formidable victoire pour la police locale, plusieurs otages étant libérés par la même occasion. Le lendemain, la scène de l'arrestation est rejouée par les mêmes acteurs pour les caméras des journalistes, qui ne sont pas informés de la mise en scène. La suite, on la connaît : Florence Cassez, considérée comme complice d'Israël Vallarta, a été condamnée à 96 ans de prison en avril 2008, peine réduite en appel à... 60 ans de prison en mars 2009. Elle clame son innocence, en appelle à l'Elysée - qui se démène jusqu'à présent sans résultats - et son avocat soulève un certain nombre d'anomalies troublantes dans la procédure et au procès.

Un contexte sécuritaire et politique défavorable

Nous ne possédons pas les éléments pour trancher en faveur de la culpabilité ou de l'innocence de Florence Cassez. On peut cependant souligner que le contexte de son arrestation - l'explosion de la violence et de l'insécurité au Mexique - ne lui a pas été favorable. Qu'à ce moment-là, la police largement décrédibilisée aux yeux de la population qui la considère comme incompétente et souvent corrompue, avait cruellement besoin de résultats, surtout s'ils étaient spectaculaires. Que le contexte de son procès, notamment en appel, ne l'était pas davantage : à quelques mois des élections, les politiques, guère plus populaires que la police, avaient tout intérêt à satisfaire une opinion publique excédée par la situation d'insécurité, qui demandait des peines exemplaires... Le voyage de Nicolas Sarkozy et ses demandes officielles en mars 2009 n'avaient donc aucune chance d'aboutir.

2011, Année du Mexique en France... et d'un procès équitable ?

Si la violence, sous toutes ses formes, ne semble hélas pas beaucoup reculer au Mexique, la donne politique a changé : 2011 sera l'Année du Mexique en France. De nombreux événements s'inscriront dans cette manifestation annuelle visant à rapprocher les cultures et les sociétés des deux pays. Peut-on se permettre, de part et d'autre de l'Atlantique, de laisser gacher cette fête ?

Le Ministère de la Justice mexicain vient de reconnaître officiellement le mensonge de la police sur la date d'arrestation de Florence Cassez. C'est une anomalie formelle, qui ne dit rien sur le fond, c'est-à-dire la culpabilité ou l'innocence de l'accusée, mais qui est choquante et inacceptable dans un Etat de droit. Elle est de nature à remettre en cause la sincérité et l'équité du procès.

Des arguments puissants militent donc en faveur - a minima - d'un nouveau procès de Florence Cassez, établi sur des bases assainies. L'Etat de droit mexicain, comme les relations d'amitié entre la France et le Mexique, en sortiraient grandis. La raison d'Etat et la Justice se rejoignent : Florence Cassez a de vrais motifs d'espoir.

 

Des images de la fausse arrestation de Florence Cassez, le 9 décembre 2005, sur le site du Parisien.fr :

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16 novembre 2009 1 16 /11 /novembre /2009 12:14

La violence, d'abord, celle qui touche les trafiquants et celle qui frappe aveuglément, par ricochet, les innocents qui se trouvaient là. Les effets dévastateurs sur la santé des consommateurs locaux, souvent très jeunes. La perte de confiance de la population dans des institutions impuissantes. La perte de légitimité des autorités trop souvent corrompues. La dérision enfin, quand le magazine Forbes place Barack Obama au premier rang des puissants de ce monde, le milliardaire mexicain Carlos Slim au 6e rang, Lula au 33e, Hugo Chavez au 67e, Nicolas Sarkozy au 56e et... le chef du cartel de Sinaloa, Joaquín Guzmán Loera, dit "El Chapo", un habitué de ces classements, au 41e rang.

Le Mexique est devenu le centre logistique de tous les trafics de stupéfiants américains. Les cartels sont plus ou moins identifiés, les trajets globalement connus, mais les autorités mexicaines sont dépassées.

Le 23 octobre 2009, une dépêche AFP reprise par Le Monde témoignait tout de même d'une victoire de la police des Etats-Unis : "plus de 3 000 membres des forces de l'ordre (agents fédéraux et officiers de police) ont été déployés dans 19 Etats américains au cours des deux jours de cette opération" qui a permis l'arrestation de "303 membres du puissant cartel mexicain "La Familia" et la saisie d'une grande quantité de drogue au cours d'une opération d'une ampleur inédite". Le procureur général des Etats-Unis, l'équivalent du ministre de la Justice, Eric Holder, expliquait que l'opération avait "permis la saisie de 3,4 millions de dollars en liquide, 144 armes, 109 véhicules, 331 kilos de métamphétamine, 62 kilos de cocaïne et 439 kilos de marijuana. Parallèlement, le chef de "La Familia", Servando Gomez-Martinez, a été inculpé par un grand jury à New York, avec trois autres membres du gang, de complot visant à importer de la cocaïne et de la métamphétamine aux Etats-Unis."

Une victoire à la fois importante et dérisoire face à l'empleur du trafic mais qui ne peut qu'encourager les autorités policières des deux côtés de la frontière... Car la lutte contre les trafiquants doit rester l'absolue priorité des deux gouvernements si l'on ne veut pas que le Mexique tout entier s'effondre ou se gangrène, remettant en cause la démocratie et la stabilité dans la région.

Le témoignage bouleversant du journaliste José Gil Olmos est à ce titre extrêment inquiétant, qui explique les menaces dont sont victimes les journalistes et la terreur à laquelle ils sont soumis, qui les contraint à l'autocensure et au silence sur la question du narcotrafic. Une nouvelle étape dans la dilution des cartels au sein d'un corps social mexicain gravement malade...

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1 mai 2009 5 01 /05 /mai /2009 17:37

Time Magazine place le chef du cartel mexicain de Sinaloa, Joaquín Guzmán Loera, dit "El Chapo", parmi les 100 personnalités les plus "influentes" au monde en 2009.

A 52 ans, celui qui s'est évadé d'une prison mexicaine en 2001 dans la camionnette du blanchisseur est responsable du déclenchement de la plus sanglante guerre des cartels de l'histoire du Mexique (15 000 morts estimés depuis cette date). En mars 2009, c'est le magazine Forbes, qui l'accueillait au 701ème rang de son classement mondial des plus grandes fortunes en estimant à 1 milliard de dollars la valeur de ses biens. Mis à prix 30 millions de pesos au Mexique et 5 millions de dollars aux Etats-Unis, il apparait au palmarès de Time Magazine dans la catégorie "Leaders et révolutionnaires" aux côtés de Barack Obama, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, etc. L'autre Mexicain du palmarès est Carlos Slim, troisième fortune mondiale : pas de Felipe Calderon, le Président mexicain, qui a envoyé l'armée contre les narcotrafiquants...

Que conclure de ce classement ? Rien de franchement définitif, tout cela étant tellement subjectif, sinon qu'il n'est pas absurde d'être inquiet, au-delà de la grippe médiatique qui les frappe, pour le Mexique et les Mexicains. Avec une lueur d'espoir : après les déclarations de Barack Obama lors de son récent voyage à Mexico, la présence de "El Chapo" dans ce classement est un nouvel indice que le grand voisin du Nord a conscience de la gravité de la situation. C'est un point de départ...

A lire, sous la plume de Gaëtan Mortier dans son Mexique. Entre l'abîme et le sublime, le chapitre intitulé : "Les violences et la guerre perdue contre le narcotrafic".

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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 19:42
"Notre demande insatiable de drogues illégales alimente le trafic" . "Notre incapacité à empêcher que des armes soient introduites illégalement (...) cause la mort de policiers, de soldats et de civils." Par la voix du secrétaire d'Etat Hillary Clinton, récemment en visite au Mexique, les Etats-Unis d'Obama affirment avoir prix conscience qu'ils sont à la source du problème.

Au cours de sa campagne, Barack Obama s'était vaguement positionné en faveur d'une restriction de la vente des armes à feu. Il s'agit à présent de passer de la parole aux actes.

Certes, les Etats-Unis viennent de doter l'Initiative Merida, destinée à combattre le crime au Mexique et en Amérique centrale, de 400 millions de dollars. Hillary Clinton a également offert trois hélicoptères aux forces de l'ordre mexicaines. La lutte contre les cartels est essentielle, mais ce n'est pas par la force que sera réglé le problème.

Essayons de raisonner :
-le problème est d'abord un problème de santé publique. Comment peut-il être résolu? D'abord en remplaçant la substance dangereuse par un équivalant produisant les mêmes effets, la dangerosité en moins. Indépendamment du fait que si la dangerosité physiologique de l'addiction peut éventuellement être réduite (cela semble bien plus difficile pour ses désastres psychologiques), c'est l'objectif des actions conduites avec les produits de substitution. Ceux-ci s'inscrivant dans une logique d'accompagnement médicalisé vers le sevrage, cette démarche suppose une prise de conscience du consommateur, ce qui limite sa portée.

-le problème est aussi un problème de sécurité publique : les violences qui accompagnent le trafic, au Mexique et ailleurs, en sont des illustrations suffisamment éloquentes. Il s'agit évidemment de lutter contre elles : c'est ce que s'efforcent de faire, au moins théoriquement, tous les gouvernements démocratiques et les Etats de droit.

-mais le problème est, en réalité, essentiellement économique : si le narcotrafic n'était pas aussi fabuleusement rentable, il disparaîtrait mécaniquement.
L'enjeu est donc de faire baisser sa rentabilité. En la matière, tous les efforts antidrogues conduisant à éliminer physiquement le narcotrafic ont pour conséquence d'en augmenter le coût : plus la tâche des narcos est difficile, plus ils doivent déployer des moyens importants, moins ils ont économiquement intérêt à trafiquer. Le problème est leur formidable capacité d'adaptation, en l'occurence de restructuration : si le coût du trafic au Mexique devient trop lourd, les narcotraficants s'adapteront et trouveront d'autres voix d'accès à leur marché, qui se trouve au Nord du Rio Grande. C'est - à peu près - ce qui s'est produit lors de l'effondrement des cartels colombiens au début des années 2000. Le trafic s'est poursuivi, sous le contrôle des cartels mexicains qui se livrent aujourd'hui une guerre féroce, mettant en danger la jeune démocratie mexicaine. Et en toute hypothèse, les cartels ont toujours la possibilité d'augmenter le prix de vente de la drogue...

Alors?
Et si la solution était dans l'effondrement de son prix de vente? C'est-à-dire dans la légalisation de la consommation? Une mesure tellement paradoxale impose une vraie réflexion et un grand débat. Mais alors que le sujet reste largement tabou, il serait peut-être temps de s'y mettre...

A lire : Un excellent article de Gaëtan Mortier dans Valeurs Actuelles.
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