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Simon Bolivar
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Les lettres et discours politiques essentiels du Libertador : la porte d'entrée désormais classique dans l'univers de Simon Bolivar et dans la pensée politique contemporaine en Amérique latine. Traduit et présenté par Laurent Tranier.

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.Les Editions Toute Latitude

17 septembre 2024 2 17 /09 /septembre /2024 12:10

Latinomag.fr est partenaire d'Opinion Internationale, "le média des décideurs engagés au cœur de l'actualité"

Après un quasi sans-faute à la tête de l’État pendant six ans, Andres Manuel Lopez Obrador – dit AMLO – se prend les pieds dans une réforme de la Justice au moment de quitter le pouvoir. Et introduit un gros doute sur le futur de la démocratie mexicaine.

Sa popularité reste très élevée, avec 65% d'approbation après six ans de mandat à la tête du Mexique. Celle qu’il a désignée pour lui succéder, Claudia Sheinbaum, issue de son parti Morena, a été triomphalement élue, avec 59,3% des voix, à la fonction présidentielle qu'elle assumera à partir du 1er octobre prochain. Globalement, le bilan de ses six ans de présidence, qui ont davantage imposé un style que des réformes, et qui ont avant tout profité de la dynamique que lui vaut la proximité des États-Unis, est positif sur le plan économique et social.

L’ambition d’AMLO, qui se veut porteur de la « Quatrième Transformation » mexicaine (après la révolution de l’Indépendance en 1821, la révolution libérale de Benito Juarez dans les années 1850 et la Révolution mexicaine des années 1910 qui a conduit au pouvoir le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI)) était grande et ses objectifs en partie atteints. Mais une tâche assombrit tout de même son bilan. C'est la tâche rouge sang de la criminalité liée au narcotrafic et à ses corollaires. Durant son mandat, elle est restée à des niveaux extrêmement élevés avec un nombre d'assassinats dépassant les 30 000 par an, un standard établi depuis la « guerre » déclarée au narcotrafic par son prédécesseur Felipe Calderon en 2006.

Sa politique sécuritaire pacifiste (« abrazos, no balazos », littéralement : « des câlins, pas des balles ») est un échec cuisant et, face à cette situation, l'État mexicain, sous AMLO comme sous ses prédécesseurs, n’a réussi qu’à offrir une impunité presque totale aux criminels, avec un taux d’élucidation des crimes inférieur à… 4%.

Un autre reproche adressé à AMLO est sa tendance à radicaliser ses rapports aux contre-pouvoirs traditionnels que sont la presse, les ONG, ou la Justice. Leur liberté de ton ou leur indépendance leur ont valu de violentes attaques de sa part. Cela a été le cas en particulier lors de la limitation apportée par la Justice à sa volonté de militariser la sécurité publique (l’exact contraire de ce qu’il avait annoncé dans son programme). Sur un autre plan, sa volonté de réduire drastiquement les prérogatives du Tribunal électoral, qui a accompagné la démocratisation du pays, a été enrayée par les juges, à sa plus grande colère.

AMLO tient sa vengeance contre le système judiciaire

Le dernier geste d’AMLO avant de quitter la présidence du Mexique est cette réforme constitutionnelle qu'il mûrit depuis des années mais qu'il lui était impossible de mettre en œuvre, faute de majorité qualifiée dans les deux chambres du Parlement jusqu'à l'élection législative concomitante de la présidentielle de juin dernier. Bizarrerie du calendrier politique mexicain, le président sortant – dont le parti a triomphé lors de ces élections – bénéficie, entre la rentrée parlementaire du 1er septembre et la fin de son mandat le 30 septembre, de toutes les majorités qualifiées nécessaires pour réformer la Constitution mexicaine selon son bon vouloir. En réalité, il manquait une voix à Morena et ses alliés pour contrôler les deux tiers des sièges au Sénat : celle-ci est venue d’un élu du PAN, parti d’opposition, dont la presse mexicaine a révélé qu’il aurait négocié son vote en échange du retrait d’instructions judiciaires contre lui et sa famille pour des cas présumés de corruption (une version qu’AMLO a démentie). L’amendement constitutionnel a été sans délai approuvé par une majorité des 32 États fédérés du Mexique – Morena est aussi majoritaire de ce côté-là – et promulgué par AMLO.

Ce bouleversement du système judiciaire mexicain sera la plus grande réforme qu'AMLO aura laissée à son pays. Sa mesure phare est le changement du mode de désignation des magistrats : ils ne seront plus désormais choisis en fonction de critères académique et de leur expérience, ils seront élus par les citoyens mexicains (à condition tout de même d’être diplômés en droit). Entre 2025 et 2027, la totalité des 7000 juges en fonction dans le pays, depuis le premier niveau de justice jusqu’aux 11 juges de la Cour Suprême qui sont la clef de voûte de tout le système, seront remplacés par des juges élus. Le Mexique devient ainsi le second pays au monde à désigner tous ses magistrats par un vote populaire, après la Bolivie, où ce n’est pas une réussite (certains juges sont aussi élus aux Etats-Unis et en Suisse). De même, dans un certain nombre d'affaires touchant à la criminalité organisée, les magistrats seront désormais anonymes, pour des raisons de sécurité.

Des juges élus qui sèment l’inquiétude

Cette réforme est un saut dans l'inconnu aux conséquences littéralement imprévisibles. Outre qu’elle est unanimement dénoncée par les magistrats eux-mêmes, le monde juridique et une large partie de la société civile, l'opposition politique – aujourd'hui très affaiblie – dénonce une dérive autocratique. Le monde économique a aussi exprimé ses craintes que la justice ne se dégrade et se politise, avec des conséquences sur la confiance des entrepreneurs et un risque pour la croissance (le peso mexicain a perdu 8% de sa valeur face au dollar au moment de l’annonce de la réforme). Jusqu'au voisin nord-américain et principal partenaire du Mexique, les États-Unis, qui s’est permis de s'inquiéter par la voix de l’ambassadeur Ken Salazar pour la sécurité juridique des investissements colossaux que ses entreprises réalisent dans le pays.

En réalité, si personne ne conteste que le Mexique a besoin d'une réforme de son système policier et judiciaire, personne ne voit non plus en quoi le fait d’élire les juges améliorera la situation, même si AMLO assure que cela permettra de réduire leur corruption. Sur le sujet de la lutte contre l’impunité des criminels, aucun progrès ne sera possible sans une réforme du système policier et des bureaux des procureurs, avec des moyens supplémentaires pour améliorer intégrité et transparence.

Cette première réforme, qui appelle aussi celle de l’Institut national électoral, l’organisme qui organise les élections, est considérée comme une menace pour l’indépendance du pouvoir judiciaire et pour la démocratie mexicaine.

Elle inquiète tous ceux qui dénoncent une concentration excessive des pouvoirs au sein des même mains et résonne comme un mauvais présage quand on se souvient que la démocratie pourrit souvent par la Justice, première victime des régimes à tendance autoritaire soucieux de s’assurer une impunité. Sans évoquer les cas extrêmes des dictatures nicaraguayenne ou vénézuélienne, la propre expérience du Mexique avec la domination pendant sept décennies du PRI suffit à illustrer les risques d'une telle dérive.

Le dilemme de Claudia Sheinbaum

Claudia Sheinbaum aura la lourde responsabilité au cours des six prochaines années de mettre en œuvre la réforme de la Justice voulue par son mentor AMLO : jusqu'à présent elle s’est toujours montrée alignée sur tous les sujets avec lui et a soutenu sans réserve cette réforme.

Elle aura aussi le devoir d’assurer au Mexique une démocratie forte et prospère. Cela ne passera que par une amélioration de l’efficacité du système judiciaire – c’est bien un de ses engagements de campagne – qui n’est pas concevable sans une réelle indépendance des juges et le rétablissement de la confiance des citoyens comme des milieux d’affaires.

Le dernier legs d’AMLO ressemble bien pour elle à un cadeau empoisonné.

Laurent TRANIER
Chef de rubrique Amériques latines d'Opinion Internationale, fondateur des Éditions Toute Latitude

À lire aux Éditions Toute Latitude, La femme, ennemie de la femme, d’Alfonsina Storni, collection « Esprit latino », septembre 2024.

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8 juin 2024 6 08 /06 /juin /2024 11:13

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  Le 2 juin, Claudia Sheinbaum a remporté une retentissante victoire à l'élection présidentielle du Mexique, avec 59,3% des voix contre 27,9% pour Xochitl Galvez, sa principale concurrente. La première femme élue à la tête du pays doit sa victoire au transfert réussi de la popularité d’Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), le président de gauche modérée sortant. Mais d’autres facteurs expliquent l’ampleur de son succès.

  Après plusieurs candidatures présidentielles infructueuses sous d’autres couleurs, Andres Manuel Lopez Obrador est devenu Président du Mexique en 2018 pour le parti Morena (Mouvement de Régénération Nationale) qu’il a fondé en 2014. Au terme de son mandat non-renouvelable de six ans, AMLO bénéficie d'une popularité record, qu'il doit en grande partie à son art de la communication (il réveille tous les jours le pays à 6 heures du matin par une conférence de presse qui fixe l’agenda quotidien et l’ordre du jour des commentateurs), mais aussi aux résultats économiques remarquables du Mexique, qui s'appuie sur le dynamisme de son voisin et principal partenaire, les États-Unis : le Mexique est redevenu en 2023, devant la Chine, leur premier fournisseur. C’est grâce à l’investissement étranger, à la vitalité des exportations et à la modération de l’inflation qu’il a pu augmenter le salaire minimum et conduire une politique sociale (minimum retraite, aide aux agriculteurs) sans augmenter les impôts ni s’attirer l’hostilité des entrepreneurs.

  Mais qui est celle qui lui succèdera le 1er octobre prochain, Claudia Sheinbaum ? Certes, âgée de 61 ans, elle est une proche et une fidèle d’AMLO, qui l’a lui-même choisie pour prendre sa suite. Mais on ne peut pas la réduire à cette proximité : Claudia Sheinbaum, avant d'être une femme politique de premier plan, qui a été Présidente du Gouvernement de Mexico entre 2018 et 2023, a été une scientifique de haut niveau et a participé notamment aux travaux du GIEC sur le réchauffement climatique. Ce passé d’experte en matière environnementale, ainsi que le fait qu’elle soit une femme et qu’elle ait mis en place des politiques ambitieuses à Mexico contre les violences de genre, constituent deux indicateurs de l'orientation que devrait prendre son mandat à la tête du Mexique.

Continuité de la « Quatrième Transformation » du Mexique

  Même si, durant la campagne électorale, elle a totalement assumé le bilan d’AMLO et annoncé un programme basé sur la continuité de ce qu’AMLO a lui-même théorisé – sans fausse humilité – comme la « Quatrième Transformation » du Mexique (après la révolution de l'Indépendance en 1821, la révolution libérale de Benito Juarez dans les années 1850 et la Révolution mexicaine des années 1910 qui a conduit à plus de sept décennies de gouvernement semi-autoritaire du PRI, le Parti Révolutionnaire Institutionnel), on peut penser que Claudia Sheinbaum saura donner une orientation davantage environnementaliste et féministe au pays, qui puise aujourd’hui une grande partie de ses ressources publiques dans la rente pétrolière de l’entreprise publique Pemex, et qui détient également le triste record du nombre de féminicides sur la planète.

  Car le grand échec d’AMLO se situe sur le plan de sa politique sécuritaire pacifiste (« abrazos, no balazos », littéralement : « des câlins, pas des balles »), tôt définie en opposition à la « guerre contre le narcotrafic » déclarée par son prédécesseur Felipe Calderon en 2006 et mobilisant l’armée. L’idée d’AMLO était de considérer la majorité des membres des cartels comme des victimes d’un environnement économique et social défavorable et de cesser la traque des chefs dont chaque arrestation déclenchait une sanglante guerre de succession. L’espoir était de faire reculer les statistiques désastreuses de la mortalité quitte à s’accommoder des trafics (principalement vers les États-Unis). En définitive le résultat n’est pas meilleur : plus de 30 000 homicides par an, des centaines de milliers de disparus depuis deux décennies et des trafics et une consommation de drogue qui explosent.

L’engagement de généraliser la politique contre les féminicides lancée dans sa ville de Mexico

  « Je ne vous décevrai pas » : dans son discours de victoire, Claudia Sheinbaum a promis des résultats sur le sujet des féminicides. Pour cela, elle compte généraliser au niveau national la politique spécifique qu’elle a conduite dans la ville de Mexico, créant des unités spéciales de lutte avec des policiers formés et des moyens importants.

  Outre son échec sur la question de la sécurité, l’autre grand reproche qui est fait à AMLO est celui de sa tentation permanente d'ébranler les fondations de la démocratie, que ce soit en attaquant les médias qui lui sont défavorables ou en essayant de politiser les juges de la Cour Suprême (qu’il avait proposé de faire élire au suffrage universel) ainsi que les moyens de l’Institut National Électoral qui organise les élections, au motif qu’ils n’ont pas toujours donné des gages de neutralité (à son détriment).

  Sur ces sujets, ses tentatives de réforme se sont heurtées à la fois à des mouvements massifs de protestation populaire, et au fait que son parti Morena ne disposait pas, dans la législature qui s’achève, de la majorité qualifiée des deux tiers à la Chambre des députés et au Sénat, nécessaire pour changer la Constitution du Mexique. Or, à la suite de l’élection du 2 juin, Morena et ses alliés pourraient non seulement disposer de la majorité qualifiée dans les deux chambres, une fois que tous les recours seront épuisés, mais ils gouverneront aussi 24 des 32 États qui forment la fédération des États-Unis du Mexique – c’est le nom officiel du pays.

Les risques d’une concentration excessive du pouvoir et l’ombre d’AMLO

  Il s'agit bien d'un raz de marée électoral pour Morena, alors même que les trois principaux partis historiques, le PRI, le PAN et le PRD s’étaient rassemblés, malgré leurs différences, derrière une candidate unique, Xochitl Galvez, qui avait un bon profil de femme d’origine indigène, ingénieure et cheffe d’entreprise, issue de la société civile et sans casseroles politiques. Elle n’a pas démérité durant la campagne, mais elle n’a simplement rien pu faire.

  Claudia Sheinbaum disposera donc de tous les leviers du pouvoir, au-delà même de ceux qu’AMLO a pu détenir, pour déployer les réformes qu'elle souhaitera pour son pays. Reste cependant au moins deux incertitudes. Tout d’abord, AMLO, qui a annoncé, à presque 71 ans, qu’il prendrait une retraite politique définitive dans son ranch du Chiapas après une tournée d'adieux dans le pays et la passation de pouvoir : saura-t-il laisser à sa successeure, qui est aussi son héritière, la liberté de conduire les affaires du Mexique comme elle l'entend, sans essayer de tirer les ficelles en coulisses ? Ensuite, le mouvement Morena, tenu d’une main de fer par AMLO malgré la grande diversité de ses composantes, continuera-t-il à répondre comme un seul homme (ou presque) aux demandes venues d’en haut ? À noter aussi que le nouveau Congrès, et sa majorité qualifiée d'élus Morena, entrera en fonction le 1er septembre, ce qui pourrait ouvrir la tentation pour AMLO de mener à bien dans le dernier mois de son mandat certaines de ses réformes les plus controversées…

  Moyennant ces inconnues de court terme, l'expérience et la personnalité de Claudia Sheinbaum, l'importance de sa victoire électorale et les perspectives favorables à moyen terme pour l'économie du Mexique semblent promettre une période de stabilité institutionnelle et économique. À condition que l'ombre grandissante projetée par la criminalité organisée et la crise migratoire traversée par le pays, principale porte d’entrée des clandestins vers les États-Unis, ne finisse par sérieusement compromettre les relations avec le grand voisin du Nord.

 

Laurent Tranier
Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latines, fondateur des Editions Toute Latitude
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16 mai 2024 4 16 /05 /mai /2024 15:45

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Présidentielle au Mexique : Claudia Sheinbaum pour succéder à AMLO

  Le 2 juin 2024, le Mexique se choisira son nouveau Président de la République. Amené à diriger le pays pour 6 ans non renouvelables, ce nouveau président sera une présidente. Et cette présidente sera très probablement Claudia Sheinbaum, ancienne maire de Mexico et héritière politique de l’actuel président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), issu du parti de gauche MORENA. Depuis le début de la campagne, Claudia Sheinbaum devance en effet avec constance dans les sondages une autre femme, Xochitl Galvez, représentante de la coalition d’opposition (PAN-PRI-PRD). A quelques semaines du scrutin, l’écart est suffisant (60% contre 30% des intentions de vote) pour qu’une victoire au premier tour de Claudia Sheinbaum soit considérée comme très probable.

  Toujours très populaire alors qu’il s’apprête à quitter le pouvoir, AMLO a conduit la « quatrième transformation » du pays avec pragmatisme et une approche souverainiste des enjeux nationaux, en particulier sur le plan de la production des énergies. Il a conduit une politique de grands travaux (second aéroport de Mexico, construction du « train maya » dans le sud du pays), s’est accommodé des deux Présidents américains qu’il a connus durant son mandat, Donald Trump puis Joe Biden, préservant le libre commerce avec les États-Unis – dont le Mexique est grand bénéficiaire – en échange d’une politique de fermeté sur la question migratoire – le Mexique est le principal pays de transit vers les États-Unis – qui est en réalité la principale préoccupation de son grand voisin du nord.

  La bonne santé de l’économie liée à la politique de nearshoring des États-Unis qui souhaitent rapatrier sur le continent américains tous leurs fournisseurs stratégiques, a permis de développer la production et de surmonter l’épisode du COVID sur le plan social. La communication massive du Président – ses fameuses mañaneras, conférences de presse quotidiennes et matinales dictant l’agenda du jour – ayant laissé très peu d’espace aux oppositions pour s’exprimer. Claudia Sheinbaum, scientifique de formation, promet de s’inscrire dans la continuité de son mentor, avec une nuance de féminisme et de préoccupation environnementale. Sur le plan sécuritaire, la lutte contre le narcotrafic, la criminalité et la délinquance restent le grand échec d’AMLO. Sur ces points, tout reste à faire, le seul détenteur d’une baguette magique restant Donald Trump, qui a suggéré que l’armée américaine intervienne au Mexique pour régler les problèmes.

 

Haïti : un nouveau gouvernement pour recommencer à zéro, encore une fois

  A la suite de l’assassinat du Président Jovenel Moïse dans sa résidence en 2021 par des mercenaires colombiens, et sans que l’enquête n’ait clairement identifié les commanditaires, le pouvoir a été exercé par Ariel Henry qui venait d’être nommé premier ministre.

  Le pays le plus pauvre du continent, déjà dans une situation chaotique, incapable d’organiser des élections et sous l’emprise croissante des bandes criminelles, a sombré depuis lors dans l’anarchie la plus totale, les forces de l’ordre ne contrôlant plus aujourd’hui qu’une portion congrue du territoire.

  Ariel Henri poussé à démissionner en raison de son impopularité et de la situation chaotique (les gangs, contrôlant l’aéroport de Port-au-Prince, l’ont empêché de rentrer dans son pays à la suite d’un voyage à l’étranger), les représentants des partis politiques et de la société civile ont imaginé, avec le soutien des États-Unis et de la France, un processus destiné à ramener une autorité intérimaire légitime dans l’île. Un « Conseil de transition » composé de 9 membres a été désigné avec pour mission d’organiser des élections après avoir ramené l’ordre.

  Edgard Leblanc Fils a été coopté en son sein le 30 avril 2024 pour en être le Président, Fritz Bélizaire, un ancien ministre des Sports ayant été désigné Premier ministre avec pour mission de former un gouvernement. Sur le terrain, la situation reste confuse et dangereuse.

  Ni les États-Unis ni la France ne souhaitant s’impliquer directement, une force de police internationale est en train d’être constituée avec l’accord de l’ONU. Des policiers Kényans mais aussi béninois, des Bahamas, du Bangladesh, de la Barbade et du Tchad, sous commandement kényan, devraient prochainement être déployés. Une lueur d’espoir pour la population haïtienne et peut-être le début d’un long chemin vers la reconstruction d’un État digne de ce nom.

 

Panama : un nouveau Président face aux enjeux du canal et des migrations dans le Darien

  Jose Raul Mulino a été élu Président de la République du Panama le 5 mai avec 34% des voix lors de ce scrutin à un tour. Ancien ministre de l’Intérieur et de la Justice, représentant de la droite traditionnelle, il n’était pas programmé pour la fonction : initialement destiné à devenir le Vice-Président de Ricardo Martinelli, il est devenu le candidat principal lorsque celui-ci a été condamné pour corruption et déclaré inéligible en mars dernier. Réfugié dans l’ambassade du Nicaragua, le très populaire ancien président Martinelli (2009-2014) dont le mandat est associé à une période faste sur le plan de l’économie et des investissements dans les infrastructures, a mené campagne sur les réseaux sociaux en faveur de son ancien ministre : l’opération « transfert de popularité » a brillamment réussi… et laisse ouverte la possibilité d’une prochaine grâce présidentielle.

  Le nouveau président, qui prendra ses fonctions le 1er juillet 2024, est confronté à des enjeux majeurs sur le plan interne, notamment celui de la corruption et de la stagnation économique (un important mouvement populaire a conduit à l’annonce en 2023 de la fermeture de Minera Panama, la plus grande mine de cuivre d’Amérique centrale, exploitée par les Canadiens de First Quantum Minerals : elle représentait 5% du PIB du pays, 7 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects).

  Mais le Panama est aussi un pays stratégique à plusieurs niveaux : confronté à une sécheresse exceptionnelle et à une baisse du niveau d’eau dans les lacs qui alimentent les écluses de son célèbre canal, il a dû réduire le trafic transocéanique qui voit passer en temps normal 6% du commerce mondial. Par ailleurs, sur sa frontière sud avec la Colombie, la jungle hostile du Darien est devenue un point de passage pour 500 000 clandestins issus d’Amérique du Sud, d’Haïti ou de Cuba, à destination des États-Unis, en 2023. Jose Raul Mulino s’est engagé à stopper ce flux qui est devenu un enjeu pour tout le continent.

Latinomag.fr, Opinion Internationale et sa rubrique « Amériques latines » soutiennent les Semaines de l’Amérique latine et des Caraïbes et vous invitent à en découvrir la présentation et le riche programme sur le site officiel : Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes (semainesameriquelatinecaraibes.fr)

 

Laurent Tranier
Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latines, fondateur des Editions Toute Latitude
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11 mai 2019 6 11 /05 /mai /2019 22:04

Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), le nouveau Président des Etats-Unis du Mexique en fonction depuis le 1er décembre 2018 semble vivre son engagement politique comme un sacerdoce. Depuis un quart de siècle, il y consacre toute son énergie, toutes ses ressources, dans une position naguère de gauche plutôt radicale, aujourd'hui de populisme "attrape tout" au sein du mouvement qu'il a cofondé, Morena. On ne lui connaît pas d'autre activité économique - sinon la publication de nombreux livres - et son train de vie s'avère plutôt modeste, cohérent avec un patrimoine personnel de 446 068 pesos (20 519 Euros) ainsi qu'il résulte de sa déclaration de patrimoine rendue publique au début de son mandat. Son épouse Beatriz Gutierrez Müller, professeure d'université, a déclaré pour sa part un patrimoine d'une valeur de 8 093 637 pesos (372 307 euros), incluant l'appartement de Mexico dans lequel ils vivent.

Un Président honnête ?

Cette modestie affichée, et semble-t-il réelle, signifie-t-elle qu'AMLO serait un Président honnête, qu'en tout cas il échapperait à la corruption massive institutionnalisée depuis longtemps par les cartels de narcotrafiquants ? Et bien peut-être bien !

Au sommet d'institutions corrompues...

Le problème est qu'AMLO se trouve à la tête d'un Etat dont la quasi-totalité des structures politiques et administratives, des organes de sécurité intérieure, de la Justice mais aussi de l'armée à différents niveaux ont été ou sont encore confrontés à une corruption systématique par le narcotrafic. Ce schéma, pour ne pas dire cette culture, troquant paix civile relative contre trafic en toute impunité pour le plus grand profit de tous, découle de la collusion entre le Parti de la Révolution Institutionnelle (PRI, au pouvoir de 1928 à 2000 puis de 2012 à 2018) et les différents cartels qui ont développé le narcotrafic depuis les années 1960. Elle existe au niveau central, comme au niveau des Etats fédérés et au niveau local. Le Parti Action Nationale, au pouvoir de 2000 à 2012 avec Vicente Fox puis Felipe Calderon n'a pas su changer cette situation. La déclaration de guerre de ce dernier, décidant de militariser la lutte contre les cartels en s'appuyant en 2006 sur la prestigieuse Infanterie de Marine, a certes permis l'élimination des chefs des cartels de Tijuana, de Juarez ou des Zetas. Mais le résultat en a été une explosion des violences, guerres de pouvoirs internes aux cartels décapités, guerres de conquêtes de nouveaux territoires pour le cartel de Sinaloa, le cartel Jalisco Nueva Generation ou les sept autres organisations criminelles recensées aujourd'hui sur près des deux tiers du territoire mexicain. Sans compter les exactions reprochées aux militaires et leurs méthodes expéditives. Le bilan est supérieur à 200 000 morts et environ 40 000 disparus entre 2006 et 2018 avec un pic à 28 866 homicides en 2017 et un record à 33 341 en 2018. Pour un 135e rang sur 180 pays dans le classement de la corruption proposé par Transparency International en 2018...

Alors que faire ?

La campagne présidentielle qui a abouti à la large victoire d'AMLO avec 53% des voix le 1er juillet 2018 face à 4 adversaires n'a pas permis d'éclairer l'électeur mexicain sur les solutions qui seraient réellement mises en oeuvre pour tenir la promesse unanime de lutter contre le crime et la corruption. AMLO avait ouvert plusieurs portes : celle de la légalisation encadrée de la production, la vente et la consommation du cannabis sur le territoire national ; celle de l'amnistie pour les petits trafiquants, celle du développement économique pour offrir de vraies perspectives aux jeunes, celle enfin du retour des militaires dans les casernes. Des propositions intéressantes, notamment, pour la première, si l'on se réfère aux expériences récentes et réussies de l'Uruguay et de plusieurs Etats des Etats-Unis d'Amérique. Mais rien qui soit de nature à mettre un terme à la violence entre des cartels qui se disputent les routes de la cocaïne, entre autres drogues, ainsi que le trafic de migrants vers l'immense marché du Nord du continent.

Renoncer à la militarisation : oui, mais...

L'Etat du Michoacan a été le théâtre en 2012-2013 d'une expérience étonnante de résistance populaire aux violences liées au narcotrafic : les Groupes d'autodéfense communautaires, composés d'habitants des villages, supposés honnêtes travailleurs, se sont emparés d'armes (semble-t-il prises au cartel des Chevaliers templiers qui était là le principal responsable des exactions). Organisés sous l'autorité charismatique du Docteur Jose Manuel Mireles Valverde, ils sont partis à la reconquête du territoire, municipalité après municipalité, débusquant puis chassant les narcos. Les assassinant aussi s'il le fallait. Et cela a fonctionné, le Gouvernement s'avérant aussi impuissant à réduire les narcotrafiquants que le peuple en armes. Puis cela a dégénéré car aux honnêtes travailleurs sont venus se greffer d'honnêtes bandits, avant que le Gouvernement ne se ressaisisse et n'impose la transformation de ces Groupes en une Force Rurale de Défense officielle... et très vite contrôlée par des narcos. Justice est rendue à cette aventure dans l'excellent documentaire Cartel Land de Matthew Heineman (2015) filmé au coeur de la violence et nominé aux Oscars dans sa catégorie.

Une Garde nationale, le peuple en armes contre les narcos

Dans un contexte de corruption généralisée et de "grave décomposition des corps de police" ainsi que l'a constaté AMLO lui-même, la seule solution semble être auprès de militaires, supposés plus éloignés des tentations et moins sensibles aux dérives que les civils. L'idéal étant de construire une force nouvelle, à partir de personnels nouveaux, bien rémunérés, rapidement formés et solidement encadrés sur les plans idéologique et moral. C'est la solution retenue par AMLO, qui a annoncé en décembre 2018 la création d'un corps inédit, une Garde nationale, composée de militaires et de policiers fédéraux triés sur le volet ainsi que de 50 000 recrues âgées de 18 à 30 ans. Les fonctions de police seront ainsi officiellement placées sous contrôle militaire. Certains y voient un revirement par rapport à la sensibilité exprimée pendant la campagne présidentielle. Mais si le "tout sécuritaire" est sans issue, son absence est également impensable. L'exercice du pouvoir suppose de trouver un équilibre avec l'approche sociale. Une tache immense attend cette Garde nationale, nouvelle figure du peuple en armes contre les narcos.

                                      Laurent Tranier

                                      Directeur de la Rédaction - www.latinomag.fr

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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 10:59

ESKA-ProblèmesAmériqueLatine89Le 89e numéro de la revue Problèmes d'Amérique latine intitulé "Mexique 2000-2012, limites et impasses de la transition démocratique", se penche sur les difficultés de ce géant latino à intégrer tous les secteurs de la société dans des processus démocratiques efficients. Si les universitaires, les émigrés, les nombreux mouvements sociaux trouvent des voies d'influence plus ou moins satisfaisantes, il est un domaine sur lequel se brisent toutes les volontés : celui de la violence, abordée par Salvador Maldonado Aranda dans un article intitulé "Violence d'Etat et ordre criminel, les coûts de la guerre perdue du Michoacan" qui propose un nouveau regard sur le phénomène.

Pour l'auteur, l'analyse selon laquelle la violence serait le résultat de l'échec des politiques publiques conduites contre la criminalité n'est pas satisfaisante : si on descend à un niveau plus fin d'analyse politique et socio-historique, on se rend compte que les trafics en tous genres, notamment le narcotrafic, et la violence qui en découle sont un invariant historique devenu trait culturel dans bien des régions du Mexique. C'est en particulier le cas dans l'Etat du Michoacan, théâtre d'une violence spectaculaire dans la durée et objet de son étude. Ainsi la violence ne serait pas l'adversaire des pouvoirs publics régionaux ou d'Etat mais le contexte voire la condition même du maintien des structures de pouvoir publiques, qui "organiseraient" cette violence pour se perpétuer.

Une guerre-spectacle sans issue

La guerre contre le narcotrafic décrétée au sommet de l'Etat deviendrait donc celle d'un Etat en lutte contre une partie de lui-même. Outre qu'elle se révèlerait particulièrement ambigüe car sélective, cette lutte se trouverait nécessairement vouée à l'échec, semant le désordre là où des cartels prétendent faire régner un ordre, à l'exemple de la Familia du Michoacan, qui essaye de se faire passer pour une organisation protectrice de la société... contre un Etat corrompu et allié à d'autres cartels. Ce qui n'est qu'à moitié faux, une analyse largement partagée du développement ou du recul de certains cartels dans les années 1990 ou 2000 étant la préférence donnée par l'Etat, à travers certaines de ses branches sécuritaires corrompues, à tel ou tel groupe (le film Traffic de Steven Soderbergh (2000) présente assez finement ce phénomène). La spectaculaire guerre militaire   contre le narcotrafic lancée par le précédent président Vicente Calderon a ainsi simplement abouti au désordre, à l'exaspération de la violence, à une perte totale de confiance de la part des citoyens confrontés à la double terreur aveugle et impunie des cartels et de l'Etat. Avec pour corollaire une recomposition permanente du paysage mouvant de cartels régulièrement décapités mais toujours renaissants.

La doctrine de l'actuel président Enrique Pena Nieto ne doit pas se limiter à un retour à une relative paix civile, masque d'une criminalité florissante ponctuée de spectaculaires arrestations pour donner le change. La marque d'un narco-Etat.

A lire, le numéro 89 (janvier 2014) de la revue Problèmes d'Amérique latine - Mexique 2002-2012, limites et impasses de la transition démocratique.

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 08:13

PenaNieto-Mexique.jpgLe résultat de l'élection présidentielle mexicaine a été officiellement proclamé le 31 août 2012 par le Tribunal Suprême Electoral : Enrique Pena Nieto (PRI) a été élu avec 19,1 million de voix (38,2 %), devançant Andres Manuel Lopez Obrador (PRD, coalition de gauche) qui en a obtenu 15,8 millions (31,6 %) et Josefina Vazquez Mota (PAN) avec 12,7 millions (25,4 %).

Fraude ou pas fraude ?

La fraude électorale a été érigée au rang d'une science par le Parti Révolutionnaire Institutionnel - auquel appartient Enrique Pena Nieto - tout au long du XXe siècle. L'ensemble des techniques d'achat de voix, d'"erreurs" de calcul ou d'influence des électeurs ont été probablement employées lors de ce scrutin comme lors des précédents. Ce qui n'avait pas empêché l'alernance de 2000 (victoire du PAN sur le PRI, confirmée en 2006, avec un écart infime entre le vainqueur du PAN et son challenger Andres Manuel Lopez Obrador... ouvrant sur une interminable contestation des résultats). Clairement, l'écart que révèle le décompte final en 2012 ne permet pas de douter, Enrique Pena Nieto a remporté l'élection et sa victoire est légitime d'un point de vue démocratique : il est le nouveau Président de la République des Etats-Unis du Mexique pour la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2018.

L'ascension d'Enrique Pena Nieto

Enrique Pena Nieto a été élu Président de la République à 46 ans. Il est né à Atlamulco, dans l'Etat de Mexico, diplômé de Droit et de management, marié en secondes noces avec l'actrice Angelica Rivera. Après un bref passage dans le privé, il a fait toute sa carrière au sein du PRI et dans l'administration. Son ascension est constante : en 2003 il devient député au Congrés de Mexico et, en 2005, il est élu gouverneur de l'Etat de Mexico : son mandat est marqué par sa volonté de tenir des engagements scellés devant notaire... Sa jeunesse et son dynamisme, son action en matière de transports, de santé, d'éducation, d'environnement, son entente pragmatique avec Marcelo Ebrard (PRD), le Maire de Mexico, font de lui le gouverneur le plus populaire du pays et la première chance du PRI pour cette élection présidentielle. Seul en lice, il est désigné candidat le 17 décembre 2011.

Avec quel programme et face à quels défis ?

Le Mexique de 2012 n'est pas celui des années 1990 : il est à la fois plus ouvert et plus... violent. Le bilan sécuritaire du Président Calderon, avec la tentative de militariser la lutte contre les cartels de la drogue n'est pas bon : 60 000 à 100 000 homicides en 6 ans suivant les décomptes. Et le chiffre n'est pas en baisse. Le défi est colossal, Pena Nieto y est immédiatement confronté, il en est conscient, mais les solutions ne sont pas évidentes : il souhaite porter les effectifs de la police fédérale de 36 000 à 50 000 agents, créer une gendarmerie nationale de 40 000 agents sous statut civil, unifier et spécialiser les polices des Etats fédérés... L'objectif est clairement l'amélioration du travail policier en passant par une certaine centralisation de la lutte anticriminalité.

La pauvreté est l'autre grand défi du Mexique, pays de larges inégalités qui sera pourtant en 2012 l'un des champions de la croissance économique, avec un taux 4 %. Cela donne des marges de manoeuvre et c'est un des succès du Président sortant Felipe Calderon que d'avoir su maintenir la confiance des investisseur, en majorité venus des Etats-Unis, dans l'économie du pays. Le projet de Pena Nieto est largement orienté vers l'économie, avec une réforme du secteur pétrolier qui sera ouvert au privé, un assouplissement des contraintes réglementaires sur les entreprises et une réforme fiscale à leur profit : l'objectif est la sortie de la pauvreté par la création d'emplois. Enfin, il souhaite une réforme politique et administrative pour augmenter l'efficacité et la transparence des institutions.

Un programme ambitieux porté par un style nouveau et une nouvelle génération. Qui cependant ne pourra pas s'appuyer sur une majorité au Congrès et qui devra donc convaincre, pour être mis en oeuvre, au-delà de sa famille politique...

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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 09:17

FelipeCalderonG20.jpgLa tradition diplomatique mexicaine est faite de discrétion, à l'ombre de son imposant voisin. Il n'empêche, dans la 2e moitié du XXe siècle, le Mexique a pointé au rang des pays du "Tiers Monde" avant d'intégrer dans les années 1990, à la fois l'OCDE, organisation des pays développés (aujourd'hui au nombre de 34) et l'ALENA, l'Accord de libre-échange Nord-américain, avec les Etats-Unis et le Canada.

Cette évolution a simultanément accru l'intégration économique nord-américaine et fait basculer le Mexique dans le camp des puissances moyennes, jusqu'à intégrer le G20 et être présent en 2008 lors de la première réunion de ce club au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Alors le Mexique, à la fois doté d'immenses ressources pétrolières, agricoles, culturelles, humaines, mais aussi pays d'émigration massive gangrené par la corruption et le narcotrafic est-il devenu un Grand de ce monde ?

La présidence 2012 du G20

L'examen de l'agenda 2012 du G20, qui sera présidé par le Mexique, peut apporter quelques éléments de réponse. S'il s'agit là d'une forme de reconnaissance, il est certain en tout cas que le pays joue gros, en terme de crédibilité internationale. Sa capacité à organiser dans la sérénité le sommet prévu les 18 et 19 juin 2012 à Los Cabos, en Basse-Californie, n'est pas en cause. Le Mexique saura se donner les moyens sécuritaires de réussir cette rencontre.

Le Président Felipe Calderon a placé 5 points à l'ordre du jour de sa présidence : le retour à la stabilité économique et la relance de la croissance ; la lutte contre le protectionnisme et la relance du commerce mondial ; la régulation financière et la lutte contre les paradis fiscaux ; la sécurité alimentaire à travers notamment une régulation des prix des matières premières agricoles ; le changement climatique et la croissance verte.

Ce catalogue prolonge logiquement certains objectifs de la présidence française de 2011, qui a permis des avancées dans la lutte contre les paradis fiscaux, la régulation des prix des matières premières, la crise des dettes publiques et la relance économique mondiale.

Lutte contre les paradis fiscaux et contre la corruption

Toutes ces questions ne seront pas résolues en quelques mois. Il s'agit simplement que le Mexique contribue à ce que la marche en avant se poursuive. A priori, il sera difficile d'obtenir des progrès sur la Taxe sur les transactions financières, défendue par la France et l'Allemagne mais à laquelle s'opposent les pays Anglo-saxons, qui accueillent les principaux centres financiers mondiaux. De même, les Etats-Unis ou le Brésil, se montrent réticents à une régulation des cours des produits agricoles.

Des progrès pourraient être obtenus en matière de lutte contre les paradis fiscaux, qui passent par l'automatisation des échanges internationaux de données fiscales ou la lutte contre la corruption. Le Mexique, qui ne s'y confronte pas directement, semble également mieux placé que d'autres pour obtenir de la Chine qu'elle s'implique dans la gouvernance mondiale à hauteur de son nouveau poids économique et géopolitique. Mais la grande question de cette présidence sera, en étroite coopération avec le FMI et les Banques centrales, celle de la sortie de la crise de la dette et du retour à une croissance économique durable.

Contexte difficile et... bonne surprise ?

Le contexte est difficile : la conjoncture économique mondiale n'est pas favorable, les relations avec la France, qui a précédé le Mexique à la présidence du G20 sont dégradées en raison de l'affaire Cassez. Le pays est en outre confronté à d'importants défis internes, et n'est pas à l'abri de troubles créés par les groupes altermondialistes. 2012, enfin, est une année électorale : le successeur de Felipe Calderon à la présidence de la République sera désigné le 1er juillet... Ainsi, si l'opportunité, pour le Mexique, d'accueillir le G20 ne pouvait se refuser, le contexte national et international n'est pas forcément favorable. Si surprise il y avait, elle pourrait donc bien être agréable...

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 08:16

Anonymous.jpgQui est... Anonymous ? D'après Wikipedia, c'est un réseau de communautés d'Internautes activistes, autrement dit de pirates ou de hackers, agissant de manière anonyme dans le but de défendre le droit à la liberté d'expression sur Internet et en dehors. Leur nom est plutôt un label signant des actions informatiques et physiques entreprises par des personnes masquées. Leurs actions, parfois controversées, ont pris pour cible la Scientologie, les dictatures arabes, mais aussi l'OTAN et... le cartel de narcotrafiquants mexicain des Zetas.

Anonymous déclenche l'Opération Cartel

Il semble en effet que l'un des membres mexicains des Anonymous ait été enlevé dans la ville de Veracruz, ce qui aurait conduit cette communauté à déclencher l'Opération Cartel. Le 3 novembre 2011, les Anonymous ont confirmé sa libération, à la suite de la publication sur YouTube d'une vidéo (voir ci-dessous) dans laquelle ils menaçaient de dénoncer les "policiers, journalistes et chauffeurs de taxis" liés aux Zetas ainsi que des "informations sensibles" sur leurs liens avec le gouvernement.

Les Anonymous auraient donc fait plier la plus violente organisation criminelle du pays qui n'hésite pas à assassiner journalistes, blogueurs et tous ceux qui entravent ses intérêts ? Les Anonymous ont finalement renoncé à livrer les noms promis, par crainte de représailles.

Perplexité

Le visage du crime organisé au Mexique est mouvant et le nouveau rapport de force qui semble créé par une communauté d'Internautes laisse perplexe. Tout d'abord, que fait la police ? Les autorités mexicaines ont déclaré qu'elles n'étaient pas en mesure de confirmer l’origine de la vidéo, ni la véracité de ses affirmations. Nous n'en attendions hélas guère davantage. L'Etat mexicain est déliquescent, l'implication de l'armée dans la lutte contre les cartels est un échec : le nombre de victimes de cette quasi guerre civile est estimé à 43000 morts depuis 2006.

Pour autant, un groupe d'Internautes anonymes et isolés, sans autres moyens que ses connaissances informatiques serait capable de mettre en échec un cartel ? Et le gouvernement mexicain, la DEA aux Etats-Unis, les organisations internationales de lutte contre la criminalité en seraient incapables ? Nous connaissons aussi les moyens colossaux, pour ne pas dire illimités, dont disposent les cartels. Est-il concevable qu'ils soient absents de ce terrain, celui de la cybercriminalité, au point de se trouver à la merci des Anonymous ? Ou l'épisode récent a-t-il mis en évidence une faille dans leur dispositif, qu'ils sont probablement déjà en train de combler, au point, demain, d'échapper à toute crainte et de faire peser un nouveau type de menace sur les Etats et les populations ? Et si les Anonymous ont pu recueillir des informations permettant de lutter contre la criminalité, ont ils le droit de les taire ? A moins que tout cela ne soit qu'une gigantesque manipulation entre narcotrafiquants ?

Les autorités mexicaines ont déclaré qu'elles n'étaient hélas vraiment pas en mesure de répondre à toutes ces questions.

Dans cette vidéo datée du 6 octobre 2011, un homme se présentant comme le représentant des Anonymous demande aux Zetas la libération de l'un des siens tout en les menaçant de dénonciations.  

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 09:22

CarteMexique.jpgLe Mexique est devenu le tragique terrain de jeu des cartels de la drogue qui se disputent les voies de transit et l'accès à l'immense marché des Etats-Unis. Depuis plusieurs années, l'Etat central mexicain a mobilisé l'armée près des frontières, avec pour principal résultat d'ajouter la violence à la violence et la confusion à la confusion.

La guerre est déclarée

La guerre est déclarée, de l'Etat contre les narcos, avec les résultats que l'on sait. La guerre est surtout déclarée des cartels entre eux. Dans le coeur de la cible, les Zetas : issus d'unités d'élites de l'armée démobilisées, ils se sont placés au service du Cartel du Golfe dans les années 1990 avant de se mettre à leur compte en 2010, dans l'Etat de Veracruz. En conservant les mêmes méthodes : pendaisons, décapitations, attentats, d'une violence et d'une horreur sans limite. Il s'agit de frapper l'adversaire à mort, il s'agit aussi de frapper les esprits : du pur terrorisme. L'adversaire, ce n'est plus tant les autorités, démissionnaires, corrompues ou physiquement éliminées. L'adversaire, c'est le concurrent, qui a pour nom cartel du Golfe, de Sinaloa, de Jalisco, etc.

Mata-Zetas contre Zetas

Opportunisme ou menace sur le business que ferait peser l'excès d'excès de violence ? Un nouveau groupe se faisant appeler "Cartel de Jalisco Nouvelle Génération" a décidé... d'en finir avec les Zetas. Car si "le narcotrafic ne s'arrêtera pas", ils entendent lui faire prendre "un tournant vers la paix et la tranquillité pour le futur des enfants". Etrange profession de foi en la paix civile, manifestée à travers des vidéos montrant plusieurs dizaines d'hommes cagoulés en armes, postées sur YouTube. Le "Cartel de Jalisco Nouvelle Génération" dénonce la corruption de la police, soutient les efforts du gouverneur de Veracruz Javier Duarte et encourage les citoyens à la lutte et à la délation contre ces Zetas qui "rackettent, violent, tuent et ne respectent rien". Et, revendiquant un certain nombre d'assassinats de Zetas, ils promettent d'en finir à leur façon avec tous ceux qu'ils captureront.

Le gouvernement impuissant

Le gouvernement central observe tout cela, invoque la Justice, seule autorisée à juger et à punir, mais n'y peut rien. Une situation qui confirme que le business, y compris le narcotrafic, a besoin d'ordre pour s'épanouir. Une évolution qui aurait le mérite de réduire le nombre de victimes innocentes, et l'inconvénient d'installer au milieu de citoyens résignés un authentique narco-Etat.

Dans une vidéo datée du 27 juillet 2011, le "Cartel de Jalisco Nouvelle Génération" revendique l'assassinat de Zetas et promet de continuer dans cette voie au nom de "la paix et la tranquillité" : 

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 07:37

FlorenceCassez.jpg

Le 8 décembre 2005, Florence Cassez, française installée à Mexico, est arrêtée en même temps que son compagnon, Israël Vallarta, gangster spécialisé dans les enlèvements suivis d'une demande de rançon : l'un des fléaux qui frappent alors le Mexique...

C'est une formidable victoire pour la police locale, plusieurs otages étant libérés par la même occasion. Le lendemain, la scène de l'arrestation est rejouée par les mêmes acteurs pour les caméras des journalistes, qui ne sont pas informés de la mise en scène. La suite, on la connaît : Florence Cassez, considérée comme complice d'Israël Vallarta, a été condamnée à 96 ans de prison en avril 2008, peine réduite en appel à... 60 ans de prison en mars 2009. Elle clame son innocence, en appelle à l'Elysée - qui se démène jusqu'à présent sans résultats - et son avocat soulève un certain nombre d'anomalies troublantes dans la procédure et au procès.

Un contexte sécuritaire et politique défavorable

Nous ne possédons pas les éléments pour trancher en faveur de la culpabilité ou de l'innocence de Florence Cassez. On peut cependant souligner que le contexte de son arrestation - l'explosion de la violence et de l'insécurité au Mexique - ne lui a pas été favorable. Qu'à ce moment-là, la police largement décrédibilisée aux yeux de la population qui la considère comme incompétente et souvent corrompue, avait cruellement besoin de résultats, surtout s'ils étaient spectaculaires. Que le contexte de son procès, notamment en appel, ne l'était pas davantage : à quelques mois des élections, les politiques, guère plus populaires que la police, avaient tout intérêt à satisfaire une opinion publique excédée par la situation d'insécurité, qui demandait des peines exemplaires... Le voyage de Nicolas Sarkozy et ses demandes officielles en mars 2009 n'avaient donc aucune chance d'aboutir.

2011, Année du Mexique en France... et d'un procès équitable ?

Si la violence, sous toutes ses formes, ne semble hélas pas beaucoup reculer au Mexique, la donne politique a changé : 2011 sera l'Année du Mexique en France. De nombreux événements s'inscriront dans cette manifestation annuelle visant à rapprocher les cultures et les sociétés des deux pays. Peut-on se permettre, de part et d'autre de l'Atlantique, de laisser gacher cette fête ?

Le Ministère de la Justice mexicain vient de reconnaître officiellement le mensonge de la police sur la date d'arrestation de Florence Cassez. C'est une anomalie formelle, qui ne dit rien sur le fond, c'est-à-dire la culpabilité ou l'innocence de l'accusée, mais qui est choquante et inacceptable dans un Etat de droit. Elle est de nature à remettre en cause la sincérité et l'équité du procès.

Des arguments puissants militent donc en faveur - a minima - d'un nouveau procès de Florence Cassez, établi sur des bases assainies. L'Etat de droit mexicain, comme les relations d'amitié entre la France et le Mexique, en sortiraient grandis. La raison d'Etat et la Justice se rejoignent : Florence Cassez a de vrais motifs d'espoir.

 

Des images de la fausse arrestation de Florence Cassez, le 9 décembre 2005, sur le site du Parisien.fr :

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