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9 avril 2024 2 09 /04 /avril /2024 20:08

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  L’agenda était serré et le rythme soutenu, mais les objectifs ont été globalement atteints. La visite d’Emmanuel Macron au Brésil du 26 au 28 mars a permis à l’omni-président français de cocher toutes les cases. Il faut dire que le terrain avait été soigneusement préparé, et que cette première visite d’État dans un pays d’Amérique latine depuis son accession à l’Élysée, s’annonçait sans embûches. Une perte est cependant à déplorer : le traité de libre-échange UE-Mercosur, enterré très profondément au fin fond de l’Amazonie.

  Ce voyage revêtait une charge symbolique forte, celle de la renaissance de la vieille amitié autant que de l’alliance stratégique ancienne entre deux puissances intermédiaires après la parenthèse de la présidence Bolsonaro.

  Lula da Silva et Emmanuel Macron entretiennent de longue date – et mettent en scène complaisamment – leur proximité. Souvenons-nous qu’en 2022, Emmanuel Macron avait reçu Lula avec les honneurs dus à un chef d’État, alors que celui-ci n’était encore que candidat à l’élection présidentielle. Se tenant par la main, se prenant à chaque instant dans les bras, ils n’ont pas failli à leur habitude, jusqu’à susciter l’amusement de la presse internationale, le Guardian ayant par exemple salué une rencontre semblant relever « davantage de l’escapade romantique que de la diplomatie internationale ».

  Au cours des 48 heures de la visite, les occasions ont donc été nombreuses de partager des moments de complicité et de compréhension mutuelle, et d’avancer vers l’objectif de présenter des positions communes au sommet du G20 de novembre prochain et à la COP30 de 2025 qui se dérouleront tous les deux au Brésil. La protection des peuples autochtones et de leurs territoires, celle de la forêt amazonienne et de la biodiversité, la question de la lutte contre la pauvreté et celle de la gouvernance mondiale, notamment au sein du FMI et de la Banque mondiale, ont offert plusieurs points d’accord.

  Les sujets de désaccord étaient également clairement identifiés : le Brésil se veut leader du Sud global. Il doit donc trouver un certain équilibre au sein de la rivalité entre les États-Unis et leurs alliés d’une part, la Chine et les siens, dont la Russie, d’autre part. Soit entre les démocraties occidentales, dont on pourrait penser que son modèle politique le rapproche, et des régimes autocratiques qui sont essentiels pour lui sur le plan économique. Il n’y a donc pas eu d’évolution des positions respectives de la France et du Brésil sur l’agression russe en Ukraine, ni sur la guerre entre le Hamas et Israël.

  S’agit-il donc de dire que la visite s’est déroulée sans accroc ni surprise, et que les succès, aussi modestes qu’attendus, ont réduit cette rencontre à une simple formalité ? 

Le projet d’accord de libre-échange UE-Mercosur définitivement enterré

  Et bien pas tout à fait, car une fois au moins, Emmanuel Macron, que l’on sait friand de sorties de route – pas toujours contrôlées d’ailleurs – a surpris son auditoire : ainsi, côté français comme côté brésilien, tout le monde était d’accord pour dire qu’il y avait un désaccord sur le projet de traité de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. La cause était entendue, les discussions informelles devaient aborder le sujet pour essayer de mieux comprendre la nature de ces désaccords, mais rien de fracassant – ni de public – n’était attendu.

  Emmanuel Macron, prenant la parole devant les entreprises françaises et leurs partenaires brésiliens présents au Forum franco-brésilien sur le verdissement de l’économie de Sao Paulo, s’est montré plus tranchant que ce que l’on attendait. Devant cet auditoire, il a clairement enterré l’accord négocié depuis 1999 entre les deux institutions régionales : « L’accord UE-Mercosur tel qu’il est aujourd’hui négocié est un très mauvais accord, pour vous et pour nous : dans cet accord il n’y a rien qui prend en compte le sujet de la biodiversité et du climat. Rien ! C’est pour cela que je dis qu’il n’est pas bon » a expliqué Emmanuel Macron avant de conclure : « Finissons-en avec le Mercosur d’il y a 20 ans ! Bâtissons un nouvel accord (…) qui soit responsable d’un point de vue de développement, de climat et de biodiversité. »

  Le message avait peut-être une dimension de politique intérieure, mais il faudra bien aussi que les partenaires européens de la France et que la Commission européenne l’entendent : si on ne veut pas se retrouver au même point dans un quart de siècle, il va falloir remettre sérieusement le métier sur l’ouvrage et renégocier en profondeur l’accord aujourd’hui sur la table. 

Le président français n’a pas torpillé l’idée d’un sous-marin brésilien à propulsion nucléaire

  Un moment fort de la visite a été la mise à flot du 3e sous-marin de la classe des Scorpène à propulsion conventionnelle sur les 4 que le Brésil a achetés à la France en 2008. Lula a saisi l’occasion pour rappeler l’ambition du Brésil de se doter de sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, une technologie que maîtrise la France mais qu’elle ne souhaite pas vendre à ses partenaires, autant pour des raisons stratégiques que par respect des traités sur la non-prolifération nucléaire.

  Emmanuel Macron – réelle ouverture ou simple envie de ne pas gâcher l’ambiance ? – a eu une réponse suffisamment ambiguë pour permettre au Brésilien de comprendre que la France pourrait, dans une certaine mesure, accompagner le Brésil dans ses efforts. Qu’en sera-t-il ? Il est pour l’heure prématuré de conclure.

  Ce voyage présidentiel sur le continent latino-américain, potentiellement si stratégique, était nécessaire. La France, comme l’Europe, reste en quête de partenaires fiables, riches en matières premières agricoles et minière, et dotés de marchés intérieurs importants avec de forts besoins d’équipement. Emmanuel Macron y a montré la figure du président soucieux de l’avenir écologique de la planète et du rôle géopolitique de la France. Il a insisté sur les opportunités économiques offertes par le Brésil, où les entreprises françaises sont très présentes, mais s’est aussi montré soucieux d’attirer des capitaux brésiliens en France, où ils sont encore trop peu présents selon lui. Il s’est d’ores et déjà engagé à être présent au prochain G20 et à la COP30 de 2025. L’ancien banquier a ainsi calculé qu’il serait allé trois fois en visite sur le sol du géant latino, soit une de plus que François Hollande durant son mandat présidentiel. Un point pour lui contre ceux qui critiquent sa négligence du sous-continent latino-américain. C’est peut-être déjà ça de pris mais cela ne fait toujours pas une véritable politique à destination de ce continent.

Laurent Tranier
Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latine, fondateur des Éditions Toute Latitude
Guillaume Asskari
Journaliste et producteur, spécialiste de l’Amérique latine
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