Ollanta Humala a remporté dimanche 5 juin l'élection présidentielle péruvienne avec 51,6% des voix contre 48,4% à son adversaire Keiko Fujimori.
La victoire d'Ollanta Humala est relativement nette si l'on considère que les deux candidats étaient donnés au coude à coude, avec peut-être même un léger avantage à Keiko Fujimori, quelques jours avant le second tour du scrutin.
Cette victoire, qui intervient au terme d'une campagne fortement polarisée qui avait vu l'élimination des candidats les plus modérés dès le premier tour, oblige le vainqueur : Ollanta Humala doit rassurer les classes moyennes et les milieux économiques.
L'inspiration de Lula et le soutien de Mario Vargas Llosa
Classé à gauche, très à gauche voire trop à gauche lors de l'élection précédente de 2006 où il se réclamait d'Hugo Chavez, Ollanta Humala a tiré les leçons de son échec d'alors. Il a, cette fois-ci, voulu rassurer tout en assumant sa place sur l'échiquier politique. Ainsi a-t-il préféré prendre pour référence celui qui est en passe de devenir une martingale électorale pour l'ensemble du sous-continent, l'ancien président brésilien, le toujours aussi populaire Lula. Fort de ses conseils et de son soutien affirmé, Ollanta Humala a su lisser son image d'ancien putschiste proche de Chavez et attirer une partie de l'électorat issu des classes moyennes qu'il aurait précédemment pu effrayer. Le soutien inattendu du Prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, homme de droite rejetant l'héritage fujimoriste considéré comme dictatorial, aura peut-être aussi été décisif.
C'est à travers la modération de son projet qu'Ollanta Humala a rassuré. L'inspiration "luliste" de son programme est d'ailleurs mieux adaptée à la réalité péruvienne que les lubies chavistes : le Venezuela est un riche Etat pétrolier, totalement dépendant de cette ressource naturelle par ailleurs très mal gérée car souffrant de sous-investissement (ce qui entraîne une baisse non désirée de la production). Ce sont les pétrodollars d'Hugo Chavez qui lui ont permis jusqu'à présent à la fois de s'attirer la sympathie de la population la plus modeste et d'acheter les fidélités nécessaires à son maintien. Sans qu'il se préoccupe du développement durable du Venezuela et tout en effrayant les investisseurs à coups de contraintes législatives et d'expropriations décidées et annoncées au même instant, de préférence en direct à la télévision...
Des premiers gestes encourageants
Le modèle brésilien, celui d'un grand pays avec d'immenses ressources naturelles, agricoles, minières, énergétiques, humaines, correspond mieux à la réalité du Pérou qui, dans un contexte de forte croissance économique (8,3% en 2010) peine à réduire la grande pauvreté. C'est le coeur du projet d'Ollanta Humala et son principal engagement : augmenter la fiscalité sur un secteur minier florissant pour augmenter le salaire minimum, créer un revenu minimum vieillesse, lutter contre la malnutrition, etc. : un programme inspiré des "bolsas", les bourses octroyées aux familles par Lula au Brésil. Rien en revanche de nature à effrayer les investisseurs (pas de nationalisations ni d'expropriations) ou à dégrader les excellents fondamentaux de l'économie péruvienne (comptes de l'Etat en équilibre, dette maîtrisée, libre-échange efficace et donc forte croissance économique).
La bourse de Lima ne s'y est pas trompée qui, après avoir perdu 12,5% le lundi suivant l'élection, a regagné 10% en deux jours. Ollanta Humala le sait, le plus difficile commencera pour lui à partir de son investiture le 28 juillet 2011 : car il ne possède pas une majorité pour gouverner avec son seul parti, Gana Peru. Les rapprochements ont d'ailleurs commencé avec la formation de son prédécesseur modéré Alejandro Toledo, Peru posible. Et Humala, fort de sa légimité démocratique mais avec ce souci permanent de rassurer, a tendu la main, au lendemain de l'élection, à son adversaire malheureuse - qui l'a acceptée en lui souhaitant bonne chance - tout en s'engageant à constituer un gouvernement élargi de "concertation nationale". Des premiers gestes encourageants.
Le site du Parti nationaliste péruvien d'Ollanta Humala.