Elu d’un cheveu face à la candidate de droite populiste Keiko FUJIMORI (la fille de l’ancien autocrate Alberto FUJIMORI), Pedro CASTILLO, issu d’un parti d’extrême gauche, préside aux destinées du Pérou depuis juillet 2021. Rendu sympathique par son profil d'instituteur-syndicaliste hors-système issu d’un village de montagne, il avait su se glisser au second tour d’une présidentielle qui s’était déroulée dans un paysage politique illisible, et qui a finalement rendu un résultat improbable. Sans majorité sur laquelle s’appuyer au Congrès (loin de là), lié à un parti d’extrême gauche sans le commencement d’une idée raisonnable pour faire face aux enjeux cruciaux que rencontre le pays, dépourvu d’un entourage connaissant les institutions, enfin sans expérience aucune de la gestion des affaires publiques, la catastrophe était annoncée par beaucoup.
La catastrophe était annoncée
Elle se déroule sous nos yeux depuis l’élection : quatre Premiers ministres et pas moins de sept ministres de l’Intérieur se sont succédé en un an (entre autres innombrables mouvements au sein du gouvernement), six enquêtes judiciaires en cours contre celui qui se voulait un champion de la lutte anticorruption, pour des motifs allant du trafic d’influence à la corruption, en passant par l’achat illégal de carburant et le… plagiat dans son mémoire de maîtrise universitaire (la Justice péruvienne étant loin d'être un modèle d'indépendance et d'impartialité). Le 9 août 2022, le Congrès (la seule institution moins populaire que lui) a lancé à son encontre une troisième procédure de destitution pour « crime de trahison ». A part cela, pas de ligne politique claire dans un contexte rendu explosif - entre autres - par l'inflation, et aucune réforme, rien.
Un pays au formidable potentiel
Il semble que la comédie ait assez duré et que l’on approche de son terme. Le Pérou est un grand pays andin d’Amérique latine, confronté comme ses voisins au défi de la pauvreté à la sortie du COVID, à l’informalité d’une grande partie de son économie, à un système éducatif qui a subi le plus long confinement de la planète, au changement climatique et à son cortège de catastrophes naturelles. C’est aussi un pays au formidable potentiel écologique, touristique, archéologique et culturel, humain bien sûr avec une jeunesse nombreuse, mais aussi énergétique et minier, à un moment où notre humanité a un cruel besoin d'énergies décarbonées et de matières premières.
Bref, autant d’atouts que de défis, et il est temps qu’enfin le Pérou trouve à sa tête à la fois la stabilité et le sérieux qui lui assureront l’avenir auquel il peut prétendre. 65 % des 33 millions de Péruviens (Le Monde du 19 août 2022) pensent que des élections générales anticipées doivent avoir lieu sans délai : elles viseraient aussi bien à remplacer Pedro CASTILLO que l'ensemble du Congrès. Une évidente nécessité, qui risque de ne rien résoudre si elle n’est pas accompagnée d’une vraie réforme institutionnelle.
A lire sur le Pérou : Vers le royaume des Sciris, le roman historique de César Vallejo se déroulant à la fin de l'Empire Inca, Editions Toute Latitude 2021